«Wendell et Wild» chez Selick et Peele

Une scène de «Wendell et Wild»
Photo: Netflix Une scène de «Wendell et Wild»

Ces personnages, décors et accessoires fabriqués par des géants de la miniature, déplacés à une échelle quasi microscopique, photographiés puis redéplacés indéfiniment, et cette impression d’artisanat qui se dégage de l’ensemble malgré l’utilisation de plus en plus importante de technologies avancées : l’animation en stop-motion tient à la fois du miracle et de la magie.

Lorsque l’intrigue égale le visuel, un classique naît. Pensons The Nightmare Before Christmas (1993) ou Coraline (2009), réalisés par ce maître du genre qu’est Henry Selick qui s’était alors mis au service d’histoires imaginées, respectivement, par Tim Burton et Neil Gaiman. Pour Wendell et Wild (V.F. de Wendell & Wild), le réalisateur a travaillé, côté livre, avec le romancier Clay McLoad Chapman (le résultat n’est pas encore publié) et, côté film, avec un habitué du genre, Jordan Peele (Get Out, Us, Nope) —, qui agit ici comme producteur, coscénariste et qui prête sa voix au démon appelé Wild. Les préoccupations de ce dernier sont d’ailleurs partout dans ce long métrage porté par une majorité de personnages afro-américains pour lesquels Selick a créé une esthétique « afropunk » attrayante et à propos.

Au coeur de l’histoire, Kat. Toute petite, elle a causé la mort de ses parents — croit-elle. Rongée par la culpabilité, elle est devenue une adolescente difficile. Porte d’entrée idéale pour les démons Wild et Wendell, qui complotent pour qu’elle les invoque et les fasse passer du côté du monde des vivants. Ils ont des projets. Et puis, sérieusement, leur place en enfer n’a rien d’enviable (bien que d’une originalité à tous crins).

Sincérité

 

C’est le point de départ d’une quête échevelée qui, malgré son étrangeté tous azimuts, parvient à toucher par des accents de sincérité assez fins et forts pour émerger d’un univers (trop) dense. D’une part, Henry Selick joue à amener nos cauchemars du côté de l’éveil. De l’autre, Jordan Peele injecte des doses massives de son engagement social dans ce qu’il produit. S’ils ne tirent pas ici à eux la proverbiale couverture, ils la chargent de tout ce qu’ils sont. C’est beaucoup.

Sauf que les préoccupations de Peele, dans un film familial, c’est du rarissime et de l’important. Et que les incursions dans le cerveau d’Henry Selick sont chose trop rare pour ne pas qu’on s’en gave lorsque l’occasion se présente.

À l’arrivée, Wendell et Wild est un magnifique objet cinématographique enrobé par une trame sonore de Bruno Coulais (Selick et lui ont travaillé ensemble sur Coraline). Un film « de peur » qui devrait bien passer auprès de tous — à moins d’une sensibilité extrême. Un long métrage qui méritera plus d’un visionnement pour pouvoir en démêler les couches multiples et en savourer les innombrables détails, la palette de couleurs étourdissante, l’inventivité de la mise en scène. Un voyage au croisement de Coraline (pour la quête parentale d’une enfant) et de The Nightmare Before Christmas (pour le volet festif). Et, enfin, une réflexion poignante sur le mal qu’on peut parfois se faire. Comment résister ?…

Wendell et Wild (V.F. de Wendell & Wild)

★★★ 1/2

Film d’animation d’Henry Selick. Avec les voix de Jordan Peele, Keegan-Michael Kay, Lyric Ross, Angela Bassett. États-Unis, 2022, 105 minutes. Sur Netflix.

À voir en vidéo