Jouer dans la cour des grands
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Cinéma
Il suffit parfois de quelques chiffres pour donner le tournis et se convaincre que l’avenir sera toujours radieux. En 2021, l’industrie audiovisuelle du Québec générait 2,5 milliards de dollars en dépenses directes, environ 63 000 emplois, et accueillait 21 tournages étrangers, tandis que les retombées économiques du secteur des effets visuels et de l’animation représentaient à elles seules 951 millions de dollars, comparativement à 57 millions en 2011. À l’échelle provinciale, Montréal obtient encore la plus grosse part du gâteau.
Ces données, contenues dans le Bilan d’activités 2021-2022 du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ), donnent tout de même beaucoup d’espoir, considérant le contexte pandémique mondial. Et l’élan ne semble pas près de ralentir, si l’on en croit Christine Maestracci, présidente-directrice générale du BCTQ. « Cette année, on compte déjà 19 tournages étrangers, et nous profitons de plusieurs augmentations de croissance : celle des contenus, des consommateurs, et des plateformes », souligne cette grande optimiste au service de ce secteur qui doit aussi beaucoup au dynamisme de la production québécoise.
« Montréal et le Québec ont des atouts indéniables pour attirer les productions étrangères, autant par ses quatre saisons que par sa facilité à représenter aussi bien l’Europe que l’Amérique du Nord », souligne Christine Maestracci. Mais depuis longtemps, d’autres attraits sont loin d’être négligeables. « On oublie souvent que Montréal fut un pionnier en Amérique du Nord pour les crédits d’impôt et, disons-le : c’est la première chose qui importe aux producteurs étrangers », affirme Andrew Lapierre, vice-président et fondateur associé à Grandé Studios, dont les installations ne cessent de grandir (plus de 220 000 pieds carrés d’espace de tournage) et qui a de plus d’autres projets d’expansion dans leurs cartons.
Au fil des années, Grandé Studios a accueilli plusieurs films et séries télévisées américaines, de X-Men: Dark Phoenix (2019) à Tom Clancy’s Jack Ryan (depuis 2018), et Andrew Lapierre sait depuis un bon moment ce qui enchante nos voisins… et les irrite ! « D’autres villes sont plus attrayantes pour les crédits d’impôt, comme Londres ou Atlanta, et même les autres provinces canadiennes apparaissent plus attrayantes. » Mais ce n’est pas la seule carte maîtresse, car la qualité des infrastructures et le professionnalisme des équipes comptent aussi dans l’équation.
En fait, Montréal doit sans cesse composer avec le dynamisme de Vancouver et de Toronto, que plusieurs facteurs favorisent. « Si j’avais une baguette magique, j’aimerais bien que Montréal soit dans le même fuseau horaire que Los Angeles », rigole Michael Prupas, fondateur et directeur général de Muse Entertainment, associé à la production de la sitcom à succès Ghosts au réseau CBS, de même que la série Three Pines, d’après un roman de Louise Penny, et dont la diffusion est prévue en décembre sur Amazon.
Autre irritant, selon Michael Prupas : le bassin moins grand d’acteurs anglophones. « Nous l’avons bien senti au moment de tourner Ghosts et Three Pines. Amener ici des acteurs de Toronto et de New York augmente les coûts. » Un constat que partage Andrew Lapierre, et il en ajoute un autre : le froid ! « On voit débarquer des producteurs avec des manteaux achetés en Californie qui ne protègent pas en bas de 0 degré Celsius, alors on leur en offre de bien meilleurs ! Mais si l’acteur principal ne veut pas venir à Montréal à cause du froid… C’est un autre désavantage que l’on entend à Los Angeles. » D’où l’ambition d’Andrew Lapierre de voir s’implanter ici de minivilles studios, des hubs, où des plateaux de tournage aux fournisseurs en passant par l’hébergement seraient dans le même quadrilatère. Le modèle existe déjà, à Londres comme à Toronto, et se révèle très attrayant.
D’autres défis retiennent l’action, dont un qui existait bien avant la pandémie, soit la pénurie de main-d’oeuvre. « Dans le secteur des effets visuels, il manque 3000 travailleurs », déplore Christine Maestracci. C’est pourquoi elle salue l’initiative de l’École de cinéma Mel-Hoppenheim d’accueillir davantage d’étudiants, et ainsi d’« investir dans les talents ». L’industrie doit aussi s’investir, « en faisant la promotion de tous les métiers du cinéma, plus de 200 sur une production cinématographique, et 75 dans le domaine de l’animation et des effets spéciaux ».
Alors que 2022 n’est pas encore terminée et s’annonce comme une autre année sous le signe de la croissance, les réjouissances seront courtes, car la planète cinéma, elle, ne cesse jamais de tourner, et vite.
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