«The Greatest Beer Run Ever»: il faut saouler le soldat Ryan

Sorti en 2018, Green Book (Le livre de Green) restera sans doute l’un des lauréats de l’Oscar du meilleur film les plus contestés de l’histoire de l’Académie des arts et des sciences du cinéma, Roma, ou encore The Favorite (La favorite), ayant démontré cette année-là davantage d’excellence en matière de cinéma. Avec cette victoire, le film de Peter Farrelly alla grossir les rangs des lauréats controversés, tels Shakespeare in Love (Shakespeare et Juliette), qui battit Saving Private Ryan (Il faut sauver le soldat Ryan), et Crash, qui supplanta Brokeback Mountain (Souvenirs de Brokeback Mountain) et Munich. Quatre ans plus tard, Farrelly revient avec The Greatest Beer Run Ever (Une bière au front), un film qui reprend, stratégiquement, maints aspects de son film précédent.
Le résultat, force est de le constater, s’avère peu concluant. Pour mémoire, Green Book avait remporté le Prix du public au TIFF, ce qui lui avait donné un bon élan en vue des Oscar. À l’inverse, The Greatest Beer Run Ever a été reçu dans l’indifférence lors de sa récente première au même festival.
Green Book contait l’histoire vraie de Frank « Tony Lip » Vallelonga, un Italo-Américain macho aux tendances racistes qui, dans les années 1960, fut embauché comme chauffeur et garde du corps par le pianiste noir — et homosexuel — Don Shirley le temps d’une tournée dans le Sud ségrégationniste.
Rebelote, si l’on veut, avec The Greatest Beer Run Ever, également basé sur une étonnante histoire vraie, également campé dans les années 1960 et ayant également pour toile de fond une période trouble de l’histoire américaine. Cette fois, on suit un certain John « Chickie » Donohue (Zac Efron, caricatural). Enrôlé dans la marine marchande, mais surtout occupé à boire chaque soir au bar du coin à New York, au grand dam de ses parents chez qui il habite toujours, Chickie est convaincu que la guerre que son pays mène contre « les communistes » au Vietnam est justifiée. Cela, malgré le nombre croissant de dépouilles rapatriées.
Or, lorsqu’un ami proche perd la vie à peine arrivé là-bas, Chickie décide, motivé à la fois par un désir de faire oeuvre utile et par un sentiment de culpabilité, de s’embarquer sur le prochain paquebot à destination du Vietnam afin de… livrer de la bière aux gars du quartier mobilisés.
Un sujet clivant
Évidemment, les convictions politiques de Chickie seront ébranlées (un peu à la manière de celles du personnage de Robin Williams dans Good Morning Vietnam) et, évidemment encore, les dangers du patriotisme aveugle lui seront révélés d’effroyable façon.
Au cours de ses pérégrinations, Chickie fera la connaissance de Coates, un photoreporter critique du conflit (un Russell Crowe sous-utilisé qui vole la vedette dès qu’il apparaît). Lors d’une conversation assez réjouissante, Coates explique à Chickie que le travail des journalistes n’est pas de « rassurer les gens », mais de chercher, puis de publier, la vérité, aussi douloureuse ou embarrassante soit-elle. Ici, la réplique aux apôtres de Trump et à sa dénonciation des « lying medias » (médias mensongers) est claire.
Tout du long, cependant, on sent Farrelly désireux de ménager la chèvre et le chou afin de ne se mettre aucune partie du public à dos, la guerre du Vietnam demeurant un sujet clivant pour bien des gens aux États-Unis. Le réalisateur dénonce les turpitudes de Washington, mais idéalise largement (comme il le faisait dans Green Book) le contexte historique.
Derrière la caméra, et malgré des moyens conséquents, Farrelly n’impressionne pas. Cela vaut autant pour les séquences dialoguées que pour celles d’action, aucune n’étant spécialement bien mise en scène. Le film n’a en outre aucun rythme, en plus d’être beaucoup trop long pour le peu qu’il a à raconter. Pas de quoi donner une gueule de bois, mais presque.