«The Woman King»: tous genres mêlés

Prenez un sujet fascinant : un bataillon d’amazones, un vrai, tiré des pages des livres d’histoire et non d’un fascicule de Wonder Woman ou d’un bouquin de mythologie. Moulez ensuite le tout en suivant le cahier des charges (usé) de la machine hollywoodienne.
C’est malheureusement ce qui se produit avec The Woman King, de Gina Prince-Bythewood (Beyond the Lights, The Old Guard), dont l’actrice Maria Bello (A History of Violence, Prisoners) a eu l’idée et dont le scénario est signé Dana Stevens (Fatherhood, Safe Haven).
Nous sommes en 1823 au Dahomey, royaume d’Afrique de l’Ouest qui se trouvait à l’emplacement actuel du Bénin. Des années 1600 jusqu’au début des années 1900, une armée composée de femmes, appelée Agojie, assurait la sécurité de l’État, entre autres parce que la population masculine, victime des conflits avec les pays voisins et de la traite des esclaves, déclinait.
Pas se fier aux apparences
À la tête du bataillon, la générale (fictive) Nanisca, incarnée par Viola Davis, qui affiche l’intensité qu’on lui connaît. L’Américaine est superbement entourée par l’Anglaise Lashana Lynch (Maria Rambeau dans Captain Marvel) et la Britannico-Ougandaise Sheila Atim. Leur mission : former une nouvelle génération de guerrières. Parmi elles, une recrue (la Sud-Africaine Thuso Mbedu, un nom à suivre) qui semble être de ce bois dont on fait les proies. Il ne faut pas se fier aux apparences.
C’est la situation de départ. Porteuse. Mais qui se déploie de façon convenue et prévisible. Ici, une héroïne hantée par un traumatisme. Là, une nouvelle venue qui est plus que ce qu’elle semble être.
Plus loin, une reine (de beauté) qui écrase la concurrence de son mépris (on se croirait dans une cour d’école). Ailleurs, un personnage à la fois fort et original dans sa différence et qui, du coup, semble marqué d’une cible (un peu comme un membre de l’Enterprise portant un uniforme rouge).
Pour les diriger, le roi Ghezo (bien réel), qui, avant son discours final ô combien patriotique, est aussi charismatique que mou (le Britannique John Boyega, Finn dans la plus récente trilogie Star Wars).
Ouvrir des horizons
On assaisonne le tout de grosses coïncidences et, dans la version originale, on fait parler tous ces gens venus d’horizons divers dans un anglais aux accents variés parfois à la limite de la fantaisie.
En fait, c’est dans les combats féroces, à l’arme blanche et au corps à corps, que le long métrage se démarque. Ils sont superbement chorégraphiés, affichant la puissance brute du réalisme sous-estimée en cette ère des superhéros.
Reste qu’au bout du compte, on a l’impression de passer de Mulan à Wonder Woman, de Thelma & Louise à Pocahontas. Et un peu partout, on pense à Black Panther (les Agojie ont inspiré l’armée féminine de ce long métrage). On peut voir là des hommages. On peut aussi penser manque d’imagination ou obligation de jouer de prudence.
Et c’est dommage, parce que The Woman King, même en prenant des libertés avec l’histoire, ouvre des horizons, parle de féminisme, ôte des oeillères et incarne, avec sincérité, la force de la fierté bien placée, de cette capacité d’aller jusqu’au bout pour préserver une façon de vivre, une culture riche et chérie. Ce n’est pas rien.