«Une histoire à soi», les voix de l’adoption

Une image tirée du documentaire «Une histoire à soi».
Photo: Amandine Gay Les films du losange Une image tirée du documentaire «Une histoire à soi».

L’adoption racontée sans ambages. Après Ouvrir la voix, excellent documentaire ayant reçu le Prix du public aux RIDM en 2017 qui l’explore l’identité de femme noire, l’autrice et sociologue française Amandine Gay frappe aussi fort et propose cette fois de considérer l’adoption internationale dans Une histoire à soi.

Elle-même adoptée, la cinéaste a choisi de déconstruire un à un les clichés. Du mythe de parents érigés en sauveurs, d’une vision binaire de l’occident et du tiers-monde, ou d’institutions bienfaitrices, il n’est donc nullement question dans son long métrage passionnant où chaque mot prononcé, chaque image qui défile captive.

Pour ce faire, la réalisatrice donne la parole à cinq adultes qui ont été adoptés en France pendant leur enfance par des familles blanches. Qu’ils soient originaires de la Corée du Sud, du Brésil, du Sri Lanka, d’Australie ou du Rwanda, Joohee, Mathieu, Céline, Anne-Charlotte et Niyongira ont en commun une expérience d’adoption que l’on croirait atypique à première vue. En réalité, tous ont surtout été déracinés, éloignés de leur famille dès leur plus jeune âge. Bien qu’elles ne remettent en question ni l’amour qu’elles portent à leurs parents adoptifs ni l’acte d’adoption en tant que tel, ces personnes confient à Amandine Gay et sa caméra leurs souvenirs et leur vécu, mais aussi leur ressenti, d’une construction identitaire complexe et de l’assimilation d’une culture qui n’est pas la leur.

L’intime qui devient politique

L’un des intérêts d’Une histoire à soi est notamment l’accent mis sur les impacts et les blessures émotionnelles et psychologiques des enfants adoptés. Au-delà de simples récits intimes, illustrés par des photographies, vidéos, lettres et dessins d’archives, leurs témoignages sont éminemment politiques par ce qu’ils indiquent sur nos sociétés. Des histoires à soi qui deviennent ainsi une histoire collective.

En résumé, on comprend grâce à Une histoire à soi qu’aujourd’hui encore, les adoptés racisés subissent cette double peine, cet entre-deux, où ils ne sont jamais considérés comme parfaitement français, parfaitement étrangers. D’autres, comme Mathieu ou Niyongira, exposent également le mal-être qui les a gagnés à l’époque de leur adolescence. Qu’il s’agisse d’une peur viscérale de l’abandon ou de troubles mentaux plus sévères, le poids du secret pèse inéluctablement sur leur développement affectif.

Enfin, Une histoire à soi, parce qu’il est tout en nuances et en subtilité, révèle ces destins qui finissent toujours par être lumineux, comme Anne-Charlotte, Mathieu et Niyongira, qui ont un jour pu nouer des liens avec leur famille biologique, ou Céline et Joohee, qui ont su apprivoiser la culture des pays où elles ont été mises au monde.

Une histoire à soi

★★★★

Documentaire d’Amandine Gay, France, 2022, 100 minutes. En salle.

À voir en vidéo