«All My Puny Sorrows», cris et achoppement

C’est l’histoire de deux sœurs, Yoli et Elf. Autrice aux prises avec un ex qui lui réclame un divorce qu’elle hésite à lui accorder ainsi qu’une adolescente qu’elle peine à voir s’émanciper, Yoli envie Elf, à qui tout réussit, du mari aimant à la carrière de pianiste célébrée. Or, à l’instar de leur père autrefois, Elf souhaite mourir, au grand dam de Yoli, qui entend la convaincre de continuer à vivre. Écrit et réalisé par Michael McGowan, All My Puny Sorrows (Pauvres petits chagrins) est l’adaptation du roman primé de Miriam Toews.
Le film ne manque pas de qualités, à commencer par une paire d’interprétations expertement nuancées d’Alison Pill (Yoli) et Sarah Gadon (Elf). La direction photo de Daniel Grant (Night Raiders, de Danis Goulet) est inspirée également. Il en va hélas autrement pour le scénario et la mise en scène — dénuée d’idées, de relief, d’imagination — de McGowan.
C’est un cliché d’affirmer que « le roman était meilleur », mais bon, c’est ça qui est ça.
À la base, Miriam Toews fait reposer son récit sur un dilemme puissant, préservé dans le film. À savoir : peut-on, et doit-on, au nom de l’amour porté à une personne, la contraindre à vivre alors qu’elle est malheureuse comme les pierres.
En toile de fond de l’intrigue se pose la question de la santé mentale et de l’hérédité, par l’entremise du suicide jadis du père des protagonistes. Hélas, le film n’approfondit pas cet aspect pourtant déterminant, préférant s’en tenir à des séquences d’affrontement entre les sœurs dans ce qui s’apparente parfois à du sous-Bergman.
Mauvaise approche
Michael McGowan est un réalisateur compétent, mais ses précédents One Week (Sept jours), un mélodrame pancanadien aux allures d’onéreux publireportage touristique, Score. A Hockey Musical, qui se passe de description, et Still Mine (Jusqu’au bout), autre production valant surtout pour le jeu mémorable de ses vedettes James Cromwell et Geneviève Bujold, ne l’ont guère préparé au genre de subtilités psychologiques inhérentes à ce matériau-ci.
L’approche de McGowan s’avère explicite sur le plan narratif (avec dialogue explicatif) et littérale sur le plan visuel (exemple : l’annonce de la tentative de suicide d’Elf suivie d’un flash-back au ralenti des deux sœurs toutes gamines ; au secours).
Il est toutefois des passages qui restent, comme celui où, au terme d’un énième face-à-face, Yoli déclare : « Tu ne veux pas que je parle du passé, car c’est trop douloureux. Tu ne veux pas que je parle du futur, car tu n’en entrevois aucun. Je vais donc m’en tenir au moment présent. J’inspire, j’expire… »
On regrette par contre le traitement plus vague que mystérieux de la communauté rigoriste dont sont issues Yoli et Elf. Leur mère se révèle en outre l’un des personnages les plus intéressants, mais aussi les plus sous-développés. Excellente comme à son habitude, Mare Winningham parvient à insuffler une illusion de profondeur à cette partition. Idem pour Mimi Kuzyk, qui fait forte impression lors de ses brèves scènes dans le rôle de tante Tina. Finalement, All My Puny Sorrows fait beaucoup de millage sur le brio de ses actrices.