«Twist à Bamako»: utopique Mali

Stéphane Bak (Samba Touré) et Alicia Da Luz Gomes (Lara) dans le drame du réalisateur Robert Guédiguian, «Twist à Bamako»
Photo: MK2 Mile-End Stéphane Bak (Samba Touré) et Alicia Da Luz Gomes (Lara) dans le drame du réalisateur Robert Guédiguian, «Twist à Bamako»

L’action se déroule au Mali, en 1962. Un film de Robert Guédiguian (Marius et Jeannette) ? Ni Ariane Ascaride, ni Gérard Meylan, ni Jean-Pierre Darroussin n’y figurent… Pourtant, Twist à Bamako est bien du réalisateur marseillais. Les vertus du socialisme au cœur de la trame et les vêtements kaki du combattant, présents dès les premiers plans, en sont la preuve.

Fils de commerçant, Samba (Stéphane Bak) embrasse la cause socialiste dont s’éprend le Mali nouvellement indépendant. Les portraits de Mao et de Lumumba font partie de l’univers du jeune militant, qui se promène de village en village pour parler du partage de la terre et d’éducation, cite Aimé Césaire et se bat pour l’égalité des femmes.

L’histoire d’amour qui l’unit à Lara (Alice Da Luz), en fuite d’un mariage selon la tradition bambara, enrichit un récit certes cousu de fil blanc, mais haletant. Et il y a le twist : dans ce Bamako porté par l’espoir d’une nouvelle ère, la jeunesse se déhanche et se défoule au rythme des musiques à la mode, peu importe si elles viennent d’Occident.

Cinéaste de l’Estaque et de la lutte des classes, Robert Guédiguian s’était peu aventuré en 40 ans hors des quartiers populaires de Marseille. Il a eu ses épisodes arméniens (Le voyage en Arménie, Une histoire de fou), a offert son regard sur Mitterrand (Le promeneur du Champ-de-Mars) et… c’est à peu près ça.

Twist à Bamako est à placer parmi l’inusité chez lui : une fiction historique, un premier film « africain » et le deuxième sans la muse Ascaride (et compagne de vie). C’est comme si, après avoir tant dénoncé au présent les dangers du capitalisme, il devait changer d’époque, de continent et de visages pour se renouveler.

Dans les faits, Twist à Bamako est très Guédiguian, parsemé de ses thèmes de prédilection (l’affection, l’entraide) et de ses joies de vivre et d’humour. « Qu’est-ce que s’émanciper ? » demande Samba. « Être grand et ne plus se faire chier », répond son frère.

Si les choix musicaux laissent dubitatifs (une orchestration qui recouvre la kora), les scènes au Happy Boys Club de Bamako et les affiches rock font sens. Elles révèlent une société à la double apparence, à l’instar de Samba, chemise kaki le jour, tenue ample et lumineuse le soir.

En jouant sur les contrastes, Robert Guédiguian semble dire qu’il est possible d’être à la fois socialiste et moderne, africain et universel. S’il se fait critique de la France colonisatrice, il s’efforce d’inclure un regard malien, en insérant ici et là la photographie noir et blanc de Malick Sidibé, qui a documenté les boîtes de nuit des années 1960.

Le contexte historique sert Guédiguian. En 1962, le nouveau président Modibo Keïta instaure des politiques qui créent des tensions avec la société marchande, mais aussi avec ceux qui adhèrent aux valeurs occidentales. Dans la polarisation de ce Mali naissant, le cinéaste rappelle que tout est une question de choix. À ses yeux, et à sa manière de conclure son 22e film (un saut en 2012), il ne fait pas de doute : le pays a choisi le mauvais côté.

 

Twist à Bamako

★★★

Drame de Robert Guédiguian. Avec Stéphane Bak, Alice Da Luz, Saabo Balde, Bakary Diombera, Ahmed Dramé, Diouc Koma, Miveck Packa, Issaka Sawadogo. France–Canada–Sénégal, 2021, 129 minutes. En salle.

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