Du pur Eastwood

Clint Eastwood n’a pas réalisé son meilleur coup avec Blood Work.
Photo: Clint Eastwood n’a pas réalisé son meilleur coup avec Blood Work.

À la fois producteur, réalisateur et interprète de ses films, Clint Eastwood, jadis simple acteur, possède désormais une griffe d'auteur reconnaissable d'un film à l'autre. Surtout dans sa veine de films d'action où sa forte présence physique, qui s'est imposée au fil des décennies, se colle au modèle classique du genre (sur des scénarios somme toute prévisibles en général) avec quelques images fortes et insolites qui portent aussi sa marque.

Blood Work s'inscrit comme un pur Eastwood mais sans transcendance particulière. À lui le rôle de dur, capable d'exploits physiques, mais du dur doté d'une vulnérabilité qui l'humanise. Ici, plutôt que d'incarner les mâles dotés d'une vigueur que les ans n'entament pas, Eastwood a voulu se coller aux déboires de l'âge mûr.

Terry, le héros qu'il incarne, est d'autant plus vulnérable que dès le début du film, dans sa peau d'inspecteur du FBI pourchassant un suspect, il est foudroyé par une crise cardiaque. L'action fera une ellipse de deux ans pour nous ramener à notre homme sortant de l'hôpital après une transplantation cardiaque, retraité, affaibli mais vivant.

Comment une belle inconnue, Graciella (Wanda De Jesús), le convaincra d'émerger de sa retraite en reprenant son collier d'inspecteur pour élucider et venger la mort de sa soeur (dont le coeur bat dans la poitrine de Terry), telle est la trame (alambiquée) du film.

L'histoire repose sur une question de groupes sanguins et de transfusions au centre de l'intrigue. La responsabilité médicale sera également en cause (Anjelica Huston incarnera la chirurgienne qui opère Terry). Désir de vengeance, dépassement de soi, sens du devoir: des pulsions diverses s'affrontent. Le Eastwood cinéaste a coloré le drame de quelques plages de comédie. Ainsi, le personnage de voisin et chauffeur de Terry (incarné par Jeff Daniels, qui offre la meilleure prestation du lot, ludique et diversifiée), rieur et apparemment je-m'en-foutiste, apporte un intéressant contraste au profil viril et stoïque de l'inspecteur. Le maladroit détective Arrango (joué par Paul Rodriguez) sert aussi sur un amusant mode burlesque de faire-valoir au héros. Une idylle entre Terry et Graciella apportera au jeu sa carte sentimentale.

Tout en peaufinant sa propre icône et en lui apportant cette fois le poids assumé des ans, mais sans renouveler son profil d'acteur, Eastwood livre un film qui joue sur plusieurs registres: action, humour, romance, thriller. L'invraisemblance du scénario qui s'égare dans une histoire de transfusion sanguine tirée par les cheveux empêche toutefois Blood Work de lever bien haut. Comme directeur, Eastwood a tout de même mis la main sur certains décors à la fois sinistres et poétiques, tel ce cargo de fer rouillé où la joute finale sera tournée de nuit avec confrontation des adversaires et dénouement sanglant. Ces scènes sont les plus belles et les plus puissantes du film.

Les inconditionnels d'Eastwood apprécieront sans doute Blood Work davantage que les autres spectateurs. L'unité de ton d'Unforgiven et la sensibilité de The Bridges of Madison County ne sont pourtant pas au poste de Blood Work, une oeuvre mineure du cinéaste. Il ne réalise pas ici son meilleur coup, faute d'unité de ton et de vraisemblance, mais ici et là, par éclairs, on retrouve son inspiration. Ce film s'inscrit comme une brique de plus à sa cinématographie sans la déparer outre mesure mais sans l'enrichir d'un morceau de maître non plus.

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