«The Adam Project»: l'évadé du futur

Le voyage dans le temps n’existe pas, mais s’il existait, on sait, notamment grâce à une kyrielle de films de science-fiction, qu’il viendrait avec une foule de règles à respecter. Il faudrait, par exemple, éviter d’entrer en contact avec soi-même. Il serait en outre impératif de ne pas changer le passé, au risque de compromettre le futur. C’est la base. Et c’est ce dont fait d’emblée fi le protagoniste du film The Adam Project (Adam à travers le temps), un pilote de 2050 qui rend visite au préadolescent qu’il fut en 2022. L’enjeu ? L’avenir de l’humanité, peu ou prou.
Réalisé par Shawn Levy, connu pour la comédie d’action Date Night (Méchante soirée), la saga de fantaisie familiale Night at the Museum (Une nuit au musée) et la série paranormale Stranger Things, dont il a mis en scène de nombreux épisodes, The Adam Project allie tous les champs d’intérêt du Montréalais d’origine. Levy a également coproduit l’excellent Arrival (L’arrivée), de Denis Villeneuve, qui abordait déjà le voyage dans le temps, mais sous un angle beaucoup plus subtil.
Ce qualificatif ne s’applique en l’occurrence pas du tout à The Adam Project, une superproduction Netflix tour à tour trépidante et brouillonne écrite par pas moins de quatre scénaristes.
Le premier acte est de loin le meilleur, avec Adam, 40 ans, qui, aux commandes d’un vaisseau volé, échappe à des tirs ennemis et réussit in extremis à plonger dans un portail spatiotemporel lors d’un prologue enlevé. S’ensuit une rencontre aux allures de film de Steven Spielberg, époque E.T., entre cet évadé du futur et son alter ego de 12 ans.
D’ailleurs, le film multiplie les clins d’œil, notamment à l’univers cinématographique Star Wars: The Return of the Jedi (Le retour du Jedi) lors d’une poursuite sylvestre et The Phantom Menace (La menace fantôme) lors de ce combat avec un ersatz de double sabre laser…
Chimie parfaite
Or, en amont, une erreur de guidage est survenue : la destination initiale n’était pas 2022, mais 2018. Malheureusement, entre le deuil de son père, les conflits avec sa mère et l’intimidation scolaire qu’il subit, le « petit Adam » renvoie au « grand Adam » une image qu’il ne souhaitait pas revoir. C’est en revanche heureux pour le film, puisqu’il y a là ample matière émotionnelle à pétrir afin de donner du relief aux personnages.
Des personnages qui entretiennent d’entrée de jeu une relation conflictuelle souvent fort drôle, celle-ci alimentée autant par le sens assassin de la répartie du jeune Adam que par les commentaires politiquement incorrects formulés par sa contrepartie plus mûre, mais pas exactement plus mature.
La chimie entre Ryan Reynolds, qui retrouve Levy après le succès du plus cohésif Free Guy (L’homme libre), et Walker Scobell est parfaite. Jennifer Garner, qui joue la très patiente mère d’Adam, parvient à imposer son personnage sous-écrit et sous-utilisé lors de ses quelques scènes vers le commencement. Idem pour Zoe Saldana, qui surgit à mi-parcours, et pour Mark Ruffalo, qui arrive vers la fin.
Incarnant simultanément des versions d’elle-même issues du futur et du passé, Catherine Keener compose de son côté une antagoniste calme et calculatrice : du bonbon.
Au mitan, la trame se met à pécher par excès de sentimentalisme. Quant à la finale, qui a dû engloutir la moitié du budget des (excellents) effets spéciaux, elle s’avère un brin éparpillée. Sans égaler ni même approcher Back to the Future (Retour vers le futur, dont le second volet est mentionné dans le dialogue), The Adam Project se révèle au final assez divertissant. Le film vaut surtout pour le jeu complice de ses deux vedettes.