L'été est indien à Locarno
Locarno — Le Festival de Locarno, qui se tient du 1er au 11 août en Suisse, propose une rétrospective du cinéma indien, faisant la part belle aux productions commerciales et aux oeuvres d'art et d'essai, reflétant ainsi sa diversité.
L'Inde est également représentée cette année à Locarno par l'acteur-vedette et producteur Aamir Khan, star du fameux Lagaan, en tant que membre du jury de la compétition officielle, présidé par le producteur franco-serbe Cedormir Kolar.Intitulée Indian Summer, la rétrospective, composée de 32 films réalisés depuis 1975, comprend à la fois quelques merveilles de kitsch et de fantaisies dansées et chantées, des mélodrames-fleuves confectionnés dans les usines à rêve de Bombay, devenue la capitale du cinéma indien et surnommés Bollywood, ainsi que des réalisations de cinéastes, tel que Satyajit Ray, au regard plus réaliste sur leur pays.
Les festivaliers ont ainsi pu voir le spectaculaire Sholay, fresque épique et comédie musicale, inspirée des westerns spaghettis — un produit typiquement bollywoodien —, et se plonger dans une réalité plus rude avec À la recherche de la famine (1980), du cinéaste Mrinal Sen.
En rassemblant des réalisations aussi différentes, les organisateurs ont tenu compte de l'engouement récent en Occident pour les productions bollywoodiennes, tout en invitant le public à découvrir la diversité de la cinématographie indienne, la plus importante du monde en chiffres.
«C'est l'année Bollywood, c'est évident. Nous devions faire quelque chose», a déclaré Irène Bignardi, présidente du festival, dans un entretien au journal suisse Le Temps.
Locarno n'est pas tout à fait étranger à la curiosité récente pour le cinéma populaire indien, joué le plus souvent en hindi ou en anglais. Les fidèles du festival se souviennent que l'un des événements marquants de l'édition 2001 fut la présentation de Lagaan, un film bollywoodien haut de gamme.
Depuis Lagaan, comédie musicale de quatre heures qui raconte le combat de villageois indiens contre l'occupant britannique, a conquis le dernier Festival de Cannes, a été sélectionné aux Oscars et a suscité un intérêt particulier au sein du public occidental et de la critique.
Quelques chiffres rendent compte de l'ampleur de l'industrie cinématographique indienne sortie des studios de Bombay: plus de 800 films réalisés par année, cinq milliards de spectateurs, et plus de 700 journaux spécialisés.
Alors qu'en Asie du Sud, en Afrique, dans les pays arabes et en ex-URSS la distribution de films commerciaux indiens est l'une des seules solutions de rechange à l'emprise des studios américains d'Hollywood, l'Europe occidentale est restée le dernier bastion où le cinéma populaire indien n'a pas encore totalement exercé son envoûtement.
Ce nouvel intérêt de l'Occident intervient alors que, depuis les années 90, les productions bollywoodiennes enregistrent en Inde des échecs retentissants. Cette désaffection du public s'explique par l'émergence de la télévision et de la vidéo dans les foyers indiens. Le public deviendrait également plus exigeant et se lasserait de scénarios paresseux et interchangeables, selon les spécialistes.
Le succès international de Lagaan, échappant aux formules classiques mises au point dans les années 20, prouve qu'un renouvellement de ce genre de film est nécessaire.
Si Bollywood est synonyme de cinéma indien, la réalité de cette cinématographie est plus complexe, voire contradictoire, à l'image d'une nation qui compte 23 États et 16 langues.