Espionnage extrême
Chaque décennie arbore son fier-à-bras. Après Burt Reynolds (70), Sylvester Stallone (80) et Arnold Schwarzenegger (90), c'est maintenant au tour de Vin Diesel de régner sans partage sur le royaume de la testostérone en folie. Bien secondé par le cinéaste Rob Cohen, qui a fait de lui une star auprès des amateurs de sensations fortes et de scénarios sans queue ni tête avec The Fast and The Furious, Diesel nous revient gonflé à bloc, ou à l'hélium, on ne saurait trop dire.
Ce qui est sûr, par contre, c'est que son dernier film, XXX, est tout entier construit autour de son physique de colosse, de son crâne rasé, de sa diction approximative et de son regard éteint, sauf lorsqu'une poupoune égarée d'un club de danseuses de province traverse son champ de vision. Et si l'acteur n'a guère de talent pour transmettre une once d'émotion, il dégage une bonne grosse tonne d'adrénaline lorsqu'il enfourche une moto, une planche à neige, une bagnole, ou qu'il pratique l'alpinisme comme d'autres le macramé.La frontière apparaît ainsi très mince entre l'athlète du grand écran et son personnage, Xander Cage, amateur de sports extrêmes et activement recherché par la police. Il est également dans la mire de l'agent Gibbons (Samuel L. Jackson, en pure perte, laissé à lui-même), de la National Security Agency, cherchant des agents secrets d'un nouveau type, aux méthodes plus expéditives. Après quelques «tests» constituant autant de prétextes pour déployer les talents du cascadeur, et dilapider le budget du réalisateur en matière d'effets spéciaux, Gibbons l'envoie à Prague pour infiltrer une organisation composée de Russes «dangerous, dirty, uncivilized... just like you». «Anarchy 99» se prépare à larguer aux quatre coins de la planète des bombes bactériologiques. Cage devra gagner la confiance du chef, Yorgi (Marton Csokas), tout en se laissant séduire par la ténébreuse Yelena (Asia Argento) car, toujours selon Gibbons, «there's always a girl». Ce n'est pas James Bond qui l'aurait contredit.
Il y a peut-être une fille, et même parfois plusieurs du même moule, mais dans XXX on se demande s'il se cache, entre deux bagarres et trois explosions, un scénario quelconque. On pourrait ainsi mieux juger s'il s'agit bel et bien d'un pastiche sur l'acide des exploits de James Bond ou d'une réclame assourdissante (la bande sonore nous décroche les tympans) de tous les sports extrêmes que Diesel pratique sans une seule égratignure.
Preuve que l'acteur impose le respect, du moins face à ceux qui s'activent à ramasser les dividendes, on ne s'est pas contenté de reconstituer Prague dans le Vieux-Montréal... La capitale de la République tchèque est filmée sous tous les angles et sous son meilleur jour, révélant, dans une succession de plans trop rapides, ses charmes architecturaux alors que les habitants, eux, servent tout juste de simples figurants. Diesel force bien sûr l'admiration à vouloir sauver du désastre l'une des plus belles villes d'Europe, mais sa présence de mauvais goût relève surtout d'une stratégie de marketing «global» où Hollywood fait de la planète son terrain de jeu et un réservoir de décors exotiques.
À travers tout ce fatras de clichés manichéens et de gadgets rutilants, on peut applaudir devant la souplesse de Diesel à se faufiler entre les avalanches, envier sa débrouillardise à prendre un plateau d'argent pour une planche à roulettes, ou avoir la nuque assez large pour se faire tatouer XXX, mais tant de morceaux de bravoure ne font pas un film, ou plutôt si, celui de Rob Cohen. Il ne laisse aucun souvenir impérissable, mais on en est quitte pour des oreilles en compote et une existence comptant deux heures de moins parce que volées après avoir subi les exploits d'un semblant d'acteur et les prouesses d'un coordonnateur d'explosifs. Une de ces productions à donner le goût d'en finir au plus vite avec l'été, cette saison de tous les dangers dans les salles de cinéma.