Faire revenir les morts

L’idée de ce film lui est venue en conséquence de la mort tragique de sa cousine, assassinée à l’âge de 14 ans dans sa maison du Connecticut.
Photo: Adil Boukind Le Devoir L’idée de ce film lui est venue en conséquence de la mort tragique de sa cousine, assassinée à l’âge de 14 ans dans sa maison du Connecticut.

La cinéaste Miryam Charles n’a pas peur de jouer avec les formes. Ni même de faire revenir des morts sur terre pour leur permettre de vivre un bout de vie qui leur a été confisqué. C’est ce qu’elle fait avec le film Cette maison, un essai documentaire présenté à la Berlinale au Forum, soit dans la catégorie des formes narratives innovantes et des nouvelles tendances du cinéma mondial.

L’idée de ce film lui est venue en conséquence de la mort tragique de sa cousine, assassinée à l’âge de 14 ans dans sa maison du Connecticut. Les circonstances de son décès demeurent obscures, et le film n’a pas pour but de l’élucider. Ce qui l’est moins, c’est l’extrême tristesse de sa mère, à la suite des événements.

Mais voilà que cette fille revient à la vie à l’âge adulte, le temps d’un film, ou celui de vivre avec sa mère un rêve chéri : visiter Haïti, terre natale de celle-ci. L’expérience permet à la cinéaste de faire dire à son personnage principal des phrases inusitées telles : « Je suis morte en 2008. »

On se trouve donc à mi-chemin entre la fiction et le documentaire, dans un genre inusité qui fait l’intérêt du film. Et alors que la diction des personnages nous situe plutôt dans la fiction, certaines scènes, comme celle d’une famille haïtienne qui craint d’être expulsée du Québec au terme du référendum de 1995, sont tout à fait réalistes.

Le film « est basé sur l’histoire de ma cousine décédée à l’âge de 14 ans. Je l’imagine adulte, à la recherche de ce qui lui est arrivé, mais aussi à la recherche d’une connexion avec sa mère, en tant qu’adulte », résume la cinéaste. L’œuvre est tirée « d’une histoire d’un moment réel de ma vie, ajoute-t-elle. Je rends hommage aux membres autant de ma famille proche que de ma famille éloignée ».

Un passé dur à affronter

En fait, la cinéaste a voulu faire rejaillir de la lumière de ce sombre événement. « Quand on perd quelqu’un de manière violente, on s’arrête à ce moment-là, et on oublie que la personne a existé avant, et qu’elle peut continuer d’exister à l’intérieur de nous. On est un peu les porteurs de la mémoire de ceux qui ne sont plus là », dit-elle.

La liberté de Miryam Charles lui permet de revenir sur le référendum de 1995, à l’époque où sa famille d’origine haïtienne vivait au Québec et craignait d’en être expulsée, pour imaginer ce qui aurait pu se passer si elle était déménagée à Bridgeport auprès de sa cousine. Celle-ci serait-elle morte quand même ?

Le meurtre de la cousine de Miryam Charles, dont on a d’abord simulé le suicide, n’a pas été officiellement élucidé. Et Miryam Charles continue d’avoir « du mal à confronter ce qui est réellement passé. Cela se traduit dans le film, dans la mesure où c’est évoqué sans jamais être abordé de front ».

Le procédé, en tout cas, a attiré l’attention, puisqu’il avait été également été sélectionné à Cannes dans la catégorie des ouvrages en cours de réalisation.

Cette maison

Essai documentaire de Miryam Charles, Canada, 2022, 75 minutes.

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