Jeunes et résilients face au cancer

André Robitaille dans «La vie devant moi», qui suit un groupe d’adolescents atteints du cancer lors d’un séjour de plein air.
Photo: Productions Nova Média André Robitaille dans «La vie devant moi», qui suit un groupe d’adolescents atteints du cancer lors d’un séjour de plein air.

Il n’y avait pas une seule paire d’yeux secs au sortir de la projection du documentaire La vie devant moi, un peu plus tôt cette semaine au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT). À raison, puisqu’on y suit un groupe de jeunes atteints du cancer lors d’un séjour de plein air. Ils se prénomment Loryanne, Vincent, Mélorie, Aidan, Arielle, Mégane, Rania et Valérie. Tout au long de ce film poignant mais lumineux réalisé par Simon C. Vaillancourt, on est guidé par l’animateur et comédien André Robitaille, qui pose des questions avec sensibilité et qui, surtout, écoute.

On les a rencontrés tout juste après la présentation, forte en émotions. La plupart des participantes et participants avaient fait le voyage pour l’occasion. La vie devant moi ne pouvait pas avoir sa première à un événement plus approprié, son existence même étant lié au FCIAT, comme le révèle Simon C. Vaillancourt.

« Il y a cinq ans, on était ici [avec le producteur Yves Lafontaine et la scénariste Louise Girard] pour présenter le documentaire Stanley Vollant, de Compostelle à Kuujjuaq. Le lendemain de la projection, Jean-Charles Fortin, qui participe au film et est directeur général de la fondation Sur la pointe des pieds, nous a dit : “J’aurais peut-être un sujet pour vous autres.” Il avait cette petite flamme dans le regard, et tout de suite, j’ai embarqué. »

Qu’est-ce que Sur la pointe des pieds ? Depuis 1996, cette fondation organise des aventures de plein air pour des jeunes atteints du cancer. Le but : les sortir du milieu hospitalier et favoriser, dans la nature, une redécouverte et un dépassement de soi thérapeutiques. Ces rendez-vous se veulent en outre une occasion pour ces adolescents de se retrouver entre eux et d’échanger en se sachant d’emblée compris.

André Robitaille avait déjà collaboré avec Simon C. Vaillancourt. Habitué de mener des entrevues, l’animateur d’Entrée principale et des Enfants de la télé possède en parallèle une expérience qui faisait de lui un candidat idéal pour recueillir avec le tact requis les réflexions et les confidences de ces jeunes.

L’écoute d’abord

« J’ai la chance d’être en santé, mais oui, j’ai vécu ça [le cancer] de près, confie-t-il. Quoique tout le monde en a dans sa famille. J’ai fait douze téléthons, ce qui veut dire que j’ai côtoyé beaucoup d’enfants atteints, tout petits, et des spécialistes, des parents… Je possède pas mal de données là-dedans, mais quand on m’a parlé d’adolescents, je me suis dit que c’était nouveau. J’aime cet âge-là, ma fille a l’âge des filles dans le film… Je l’ai tout de suite pris personnel, et je crois que c’est ce qu’il faut faire. »

Le contexte proposé plut également à André Robitaille. En effet, randonnées en canot sur lacs et rivières, descentes de rapides et camping étaient au programme : on ne pouvait pas être plus éloigné des entretiens réalisés dans le confort feutré d’un studio.

« Aller faire de l’expédition avec des adolescents, ça m’a parlé. Et ça m’a permis de faire un genre d’entrevues que je n’avais jamais fait de ma vie. C’est ce que je souhaitais, dès le départ : atteindre une vérité, une profondeur, sans censure. »

Un souhait manifestement partagé, les langues se déliant spontanément, voire avec soulagement, sans que l’on sente la moindre insistance de la part de l’intervieweur ou de la caméra.

« Ils avaient faim de parler, poursuit André Robitaille. Ils étaient contents d’aborder tous ces sujets-là. Oui, on parle de sexualité, de mort… Il y avait ce côté “enfin, quelqu’un nous la pose, la crisse de question”. T’sais ? […] Mais j’ai toujours dédouané avec eux. En briefing, en amont du tournage, je leur avais dit qu’ils étaient libres de répondre ou non, mais que moi j’étais libre dans mes questions : on avait cette espèce d’entente ensemble. Grâce à leur ouverture, un beau rapport s’est tout de suite établi. »

Aller faire de l’expédition avec des adolescents, ça m’a parlé. Et ça m’a permis de faire un genre d’entrevues que je n’avais jamais fait de ma vie. C’est ce que je souhaitais, dès le départ : atteindre une vérité, une profondeur, sans censure.

 

De fait, l’un des aspects qui frappent le plus dans La vie devant moi, et une bonne partie de cela est sans nul doute imputable au lien de confiance qu’André Robitaille a su tisser, est la teneur très franche des propos. La qualité d’écoute déjà mentionnée a aussi certainement joué un rôle.

« Pour moi, c’est une loi. Je l’ai exercée dans mes entrevues avec Janine Sutto, Dominique Michel… Je viens juste de terminer avec Jean-Pierre Ferland ; c’est déposé. Dans ce genre d’entrevues, se taire, c’est pas pire. Laisser le silence exister. Souvent, on a peur du silence, mais dans ce silence, il se dit quelque chose. Et l’invité, parce que tu laisses cet espace, il est porté à le remplir, et il dira peut-être quelque chose qu’il n’aurait pas dit autrement. Dans le film, le plus beau compliment que les jeunes m’ont fait, c’est de m’avouer qu’il y avait plein de choses qu’ils n’avaient jamais dites avant. Simon et moi avons été très, très complices, afin de rendre tout ça intime, malgré la forêt et la rivière. »

« C’était tout de suite très sincère », renchérit Simon C. Vaillancourt, qui du même souffle évoque un tournage parsemé de fous rires.

« Il y a par exemple eu ce moment, alors que la caméra ne tournait pas, où André racontait la fois où on lui a remis sa carte de la FADOQ [Fédération de l’âge d’or du Québec] en direct à son émission Entrée principale, et comment ç’avait été gênant. Et là tu as Loryanne [une des participantes] qui lance : “Ben nous autres, on aimerait ça en avoir une, un jour, une carte de la FADOQ.” Bam ! On a ri. Mais c’est pour dire comment on remet tout en perspective à leur contact. »

Faire œuvre utile

 

Au cours de l’entretien, il arrive que les voix de Simon C. Vaillancourt et d’André Robitaille se cassent. Il y a la chaleur de l’accueil reçu à l’instant, le fait d’avoir vécu la projection avec les jeunes, et maintenant tous ces souvenirs de tournage qui sont revisités par notre discussion. Il y a de quoi être à fleur de peau. En regardant dans le rétroviseur, Simon C. Vaillancourt avoue éprouver surtout de la reconnaissance.

« Souvent, à la fin des entrevues, je les remerciais pour ce qu’ils venaient de m’apprendre sur la vie par leur partage. Ils ont une couple de décennies de moins qu’André et moi, mais ils nous en ont tellement appris, avec leur résilience. Ils ont une maturité époustouflante. »

Son de cloche similaire de la part d’André Robitaille, qui espère que La vie devant moi fera œuvre utile.

« J’ai envie que ce film-là résonne d’une façon originale. Du matériel sur le cancer, il y en a énormément, je suis bien placé pour le savoir. Veux veux pas, c’est souvent la même musique, et c’est à nous de la renouveler. C’est ce que ces jeunes-là accomplissent. »

François Lévesque est à Rouyn-Noranda à l’invitation du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue.

La vie devant moi

Le documentaire sera diffusé à ICI Radio-Canada le 27 novembre.

À voir en vidéo