«The Electrical Life of Louis Wain»: l’homme à chats

Louis Wain n’eut pas une vie spécialement heureuse, entre problèmes mentaux et deuils cruels. Elle fut toutefois traversée d’intenses moments de joie, de création et, celle-ci étant intimement liée à celui-là, d’un grand amour. Qui était Louis Wain ? Quiconque aime les chats a une dette envers lui, puisqu’il a contribué à élever ces adorables bêtes au rang de figures iconiques. Peintre et illustrateur, il connut une immense popularité à la fin du XIXe siècle avec ses fresques félines publiées dans différents journaux, lesquelles montraient des chats vaquant à diverses activités humaines. Réalisé par Will Sharpe, The Electrical Life of Louis Wain (La vie extraordinaire de Louis Wain) revient sur l’existence d’un homme qui mérite que l’on se souvienne de lui.
Benedict Cumberbatch incarne le personnage hors normes que fut Louis Wain. On le rencontre en pleine procession funèbre aux côtés de sa mère et de ses cinq sœurs dans la foulée du décès de leur père. Louis, un jeune homme brillant, mais incapable de focaliser son intelligence considérable sur une seule chose à la fois, à commencer par un travail stable, sera désormais le seul soutien financier de la famille.
Ce que ne manque pas de lui rappeler avec force exaspération Caroline (Andrea Riseborough), sa sœur aînée. Loin de la trouver enquiquineuse, on sympathise avec elle, car on comprend d’emblée que n’eurent été les conventions étriquées de l’ère victorienne, Caroline aurait été partante, et bien mieux outillée, pour jouer les pourvoyeuses.
C’est presque malgré lui que Louis décroche un travail d’illustrateur dans un important quotidien. Le fait est qu’il est aussi doué que prolifique, ce que son nouveau patron (Toby Jones) ne manque pas d’exploiter. Maigre mais régulière, cette source de revenus tombe à point nommé puisque Caroline vient d’embaucher une gouvernante pour les quatre cadettes : miss Emily Richardson (Claire Foy).
Aussi allumée que Louis, Emily partage en outre avec ce dernier une espèce d’inconscience bienheureuse des notions alors fondamentales de bienséance et de malséance. En somme, ces deux-là se reconnaissent, et leur attrait mutuel est merveilleusement développé dans le scénario bâti comme une suite de moments forts de la vie du protagoniste.
Portrait empathique
Cette histoire d’amour entre deux iconoclastes inconscients de l’être est d’autant plus crédible que Benedict Cumberbatch (Sherlock, Doctor Strange) et Claire Foy (The Crown), tous deux splendides, ont une chimie palpable. C’est en l’occurrence auprès d’Emily que Louis apprend à aimer les chats, et c’est encore pour elle, lorsque la maladie frappe, qu’il se met à en peindre et à en dessiner avec toute la ferveur dont il est capable.
Hélas, passé le mitan et la sortie de scène d’Emily, le film s’égare un peu (à l’instar du protagoniste), cherchant son rythme et cédant à quelques redites, notamment sur le front familial.
La mise en scène, hautement fantaisiste, demeure en revanche stimulante et recherchée de bout en bout. Alliant plusieurs procédés souvent artisanaux et usant de maintes techniques surannées, filtres optiques et autres lentilles kaléidoscopiques, Will Sharpe propose en effet une facture fignolée, mais pas maniérée. Dans un entretien récent avec les deux vedettes, on évoquait un croisement improbable mais réussi entre le cinéma de Wes Anderson, pour le type d’excentricité formelle, et celui de James Ivory, pour la reconstitution d’époque misant autant sur le sens du détail que l’observation de mœurs.
Bref, pour chaque faiblesse narrative, The Electrical Life of Louis Wain offre en contrepartie un portrait empathique riche de trouvailles visuelles. Le principal intéressé aurait sûrement approuvé.