«Stowaway»: manque de carburant narratif

Peu après être arrivés sains et saufs à la station spatiale où ils passeront deux ans, trois astronautes se livrent à la traditionnelle conférence de presse depuis l’espace. En guise de conclusion, la capitaine déclare que l’officier médical et le biologiste qui l’accompagnent sont parés à toute éventualité. Une confiance que la découverte d’un quatrième passager mettra à rude épreuve. Car dans Stowaway (V.O.), un dilemme moral se pose. En effet, sachant qu’il n’y a d’oxygène que pour trois personnes, l’équipage est forcé de se demander quoi faire de ce « clandestin ».
Deux ans après son très bon Arctic (Arctique), dans lequel Mads Mikkelsen jouait les Robinson Crusoë en contrée glacée, Joe Penna offre un autre récit de survie, mais campé cette fois dans l’espace. De la même manière que son premier long métrage commençait par la rencontre avec un protagoniste d’ores et déjà occupé à subsister dans l’adversité, son second film s’ouvre avec les trois astronautes captés en plein décollage. Pas d’entrée en matière : les présentations attendront.
L’avantage d’un tel parti pris est qu’on plonge d’emblée dans l’action, en plus de se demander qui sont ces trois personnes.
Autre similitude par rapport à Arctic : Joe Penna prend le temps d’établir un quotidien hyperréaliste forgé d’une foule de petits détails probants. D’ailleurs, la station spatiale a une allure particulièrement crédible de l’intérieur, en cela que pour une rare fois, elle n’a pas l’air d’avoir été imaginée par des gens de cinéma. Les panneaux de métal banals, le filage apparent, l’architecture générale : tout convainc.
Pour le compte, les seules sorties dans l’espace ne surviennent qu’au troisième acte. En amont prévaut un huis clos nourri par l’incertitude quant au sort des désormais quatre passagers de la station. Tandis qu’un désaccord fondamental se fait jour et que les réserves d’oxygène diminuent à cause d’un bris imprévu, la situation devient de plus en plus désespérée.
L’isolement est d’autant plus grand que le cinéaste traite le monde extérieur comme une abstraction. Dès la séquence d’ouverture filmée dans l’exiguïté de la navette, on est avec l’équipage et avec l’équipage seulement. Même lorsque la capitaine communique avec la Terre, on n’entend que ses interventions à elle.
Tension intermittente
Hélas, en dépit d’un riche potentiel, Stowaway peine à distiller de la tension autrement que par intermittence. Faute de carburant dramatique, le suspense à combustion lente se meut en drame languissant. Plutôt que d’être sur le bout de son siège en train de se ronger les ongles, on demeure dans une espèce d’expectative distraite.
La nature un brin répétitive de la réalisation, si compétente soit-elle, n’aide pas : plans larges avec personnage isolé dans l’arrière-plan, lents zooms…
Compte tenu des spécificités du récit, une métaphore sur le thème du partage de la richesse (ici l’oxygène) était envisageable, mais le film s’abstient au final d’explorer de telles avenues, s’en tenant au premier degré. Ce qui est tout à fait défendable, mais il aurait fallu alors concevoir une histoire un peu plus palpitante.
Interprétation sentie
Pour autant, le film ne manque pas de qualités. Outre sa conception esthétique « anti-glamour » qui n’est pas sans rappeler celle de High Life (Claire Denis, 2018) et de Ad Astra (James Gray, 2019), l’âpre poésie en moins, Stowaway bénéficie du jeu senti d’Anna Kendrick, Toni Collette, Daniel Dae Kim et Shamier Anderson. La première s’avère tout spécialement attachante en officier médical qui prend le parti de l’intrus. Elle s’impose lentement comme l’héroïne du film.
Cela dit, toutes et tous défendent avec conviction des partitions jamais simplistes : un autre aspect positif puisque l’argument aurait pu prêter flanc à un certain manichéisme. Il n’empêche, l’ensemble croule sous sa propre solennité.