«News of the World»: informer pour dissiper l’obscurité

À maints égards, Tom Hanks, dans le rôle de Jefferson Kyle Kidd, joue Tom Hanks dans «News of the World». Et ce n’est pas plus mal.
Photo: Universal Pictures À maints égards, Tom Hanks, dans le rôle de Jefferson Kyle Kidd, joue Tom Hanks dans «News of the World». Et ce n’est pas plus mal.

La scène a quelque chose de singulier. Entassée dans une salle, la population d’une petite ville du sud des États-Unis attend qu’un homme, debout à l’avant, se mette à parler. Or, il ne s’agit à l’évidence ni d’un pasteur ni d’un politicien. Rassemblant pages et coupures de journaux, l’étranger se met enfin à parler. De fait, son métier n’est pas de livrer la bonne parole, mais bien de donner les dernières nouvelles aux habitants souvent illettrés des divers États qu’il traverse. Veuf, ce vétéran de la récente guerre de Sécession apprécie sa solitude, mais voici que par un caprice du destin, celui qu’on appelle Capitaine Kidd est forcé d’accompagner une orpheline jusque chez une tante. À maints égards, Tom Hanks joue Tom Hanks dans News of the World (La mission). Et ce n’est pas plus mal.

C’est au détour d’une route, littéralement, que Kidd fait la connaissance de l’enfant — on le précise, le symbolisme quelque peu littéral de cette adaptation d’un roman de Paulette Jiles ne constitue pas son principal atout. Quoi qu’il en soit, la gamine s’appelle Johanna et ses parents, des colons européens, furent autrefois tués. C’est auprès de la nation Kiowa, dont elle se considère intrinsèquement comme membre, qu’elle a grandi. Elle ne conserve aucun souvenir de sa première vie.

Après avoir tenté de la confier à l’armée nordiste victorieuse qui occupe toujours le territoire, Kidd se voit ordonner de transporter Johanna jusqu’à destination. Le hic, c’est que Johanna, elle, veut retourner auprès des Kiowa même si le clan auquel elle appartenait a été massacré.

À cet égard, de la violence perpétrée par les Blancs contre les Premières Nations, et vice versa, et par les Blancs entre eux, il y en a beaucoup dans News of the World ; c’est un peu le sujet du film. Cela, de même que cette idée de l’information comme barrage contre l’obscurantisme : un propos actuel s’il en est.

L’œuvre d’un vétéran

Vétéran du cinéma d’action intelligent, Paul Greengrass, réalisateur notamment des films United 93 (United vol 93), The Bourne Supremacy (La mort dans la peau), The Bourne Ultimatum (La vengeance dans la peau), et Captain Phillips (Capitaine Phillips, avec Hanks), montre ladite violence de manière parfois crue, mais préfère le plus souvent la garder expéditive, voire implicite afin d’éviter la complaisance ou le sordide.

D’ailleurs, si Kidd affiche certains préjugés propres à l’époque à l’égard des Premières Nations, préjugés dont il se délestera, il n’en représente pas moins une figure de foncier humanisme (c’est ici que Tom Hanks joue peu ou prou Tom Hanks). Dégoûté par la guerre, il se fait conciliateur lorsque les esprits s’échauffent entre une assemblée de sudistes et une poignée de soldats nordistes. Lorsque le leader autoproclamé d’une communauté le réquisitionne pour qu’il livre de la propagande à la populace, Kidd refuse de cautionner ces fake news (le renvoi moderne est peu subtil, mais efficace).

Toutefois, c’est lorsqu’il la protège, au terme d’une folle chevauchée suivie d’une embuscade sous haute tension, d’un trio de maraudeurs décidés à en faire leur jouet sexuel, que Kidd commence réellement à gagner la confiance de Johanna.

Évolution d’une complicité

Un peu comme l’excellent Road to Perdition (La voie de perdition), de Sam Mendes, dans lequel Tom Hanks fuyait de par les routes avec son fils pendant la Grande Dépression, News of the World s’intéresse en apparence à une foule de considérations périphériques, mais s’attarde au fond surtout au développement d’un lien affectif poignant entre un adulte et une enfant.

Comme dans ce précédent film encore, les deux protagonistes vivent des deuils familiaux douloureux, et au bout du voyage, c’est la possibilité d’une nouvelle famille, choisie celle-là, qui se dessine. En cela, Paul Greengrass et le directeur photo Dariusz Wolski (Prometheus) se révèlent très habiles à alterner des séquences à grand déploiement époustouflantes sur fond de vastes panoramas, avec des scènes intimistes feutrées détaillant l’évolution de la complicité entre Kidd et Johanna (incarnée avec aplomb par Helena Zengel).

Si cette dernière en vient à s’illuminer au contact de son gardien d’infortune, l’inverse est aussi vrai. Au final, le film captive grâce à sa réalisation et à sa facture, mais émeut grâce à ses interprètes. Une belle réussite.

La mission (V.F. de News of the World)

★★★★

Western de Paul Greengrass. Avec Tom Hanks, Helena Zengel, Elizabeth Marvel. États-Unis, 2020, 118 minutes. Disponible en VSD le 25 décembre sur la plupart des plateformes.