Variations documentaires sur l’immigration

C’est en suivant des cours de violoncelle auprès de Tyr Jami que Catherine Legault s’est initiée à l’univers de deux Canadiennes aux lointaines origines islandaises.
Photo: Hubert Hayaud Le Devoir C’est en suivant des cours de violoncelle auprès de Tyr Jami que Catherine Legault s’est initiée à l’univers de deux Canadiennes aux lointaines origines islandaises.

Pour son premier long métrage documentaire, la cinéaste Catherine Legault a choisi un sujet d’une complète originalité. Un sujet, ou plutôt deux, puisqu’elle plonge dans l’univers de deux sœurs, Jasa Baka et Tyr Jami, artistes montréalaises d’origine islandaise, qu’elle suit dans le film Sœurs : rêve et variations.

C’est la voix d’Ingeborg, l’arrière-grand-mère de Jasa et de Tyr, née en Islande et immigrée au Manitoba, qui porte l’ensemble du film.

C’est en effet sur des chansons traditionnelles islandaises, chantées par Ingeborg et enregistrées sur cassettes, que le groupe Syngja, qui réunissait les deux sœurs, exploite le filon de l’héritage de la tradition.

Et c’est en suivant des cours de violoncelle auprès de Tyr Jami que Catherine Legault s’est initiée à l’univers de ces Canadiennes aux lointaines origines islandaises.

Terre islandaise en sol canadien

 

«J’ai été témoin des débuts du groupe Syngja, dit Catherine Legault. J’aimais beaucoup leur création artistique, leur style, c’est ce qui m’a accrochée. Et tranquillement, j’ai découvert leur univers, l’héritage culturel dont elles s’inspiraient. J’ai rencontré leur mère et elle m’a laissée utiliser une banque d’archives, dont de vieux films en Super 8 tournés au Manitoba. »

Sur ces archives, on voit notamment Ingeborg, à 96 ans, en fauteuil roulant, qui chante pour ses arrière-petites-filles.

Les textes de ces chansons parlent de la terre islandaise perdue, de rivières tumultueuses, de fleurs du printemps. Pourtant, Ingeborg n’est jamais retournée dans son pays natal, et sa petite-fille et ses arrière-petites-filles ne parlent pas beaucoup l’islandais.

« C’est une histoire très canadienne, au fond », dit Catherine Legault en riant. Au cours du tournage, qui s’est étendu sur cinq ans, Tyr et Jasa ont fini par obtenir une résidence de création qui leur a permis de visiter l’Islande en compagnie de leur mère.

À la fin du film, on apprend aussi que Jasa a élu domicile en Islande, où elle poursuit aujourd’hui sa carrière d’artiste multidisciplinaire.

Outre la réflexion qu’il propose sur l’immigration et ce qu’il en reste au fil des générations, le film de Catherine Legault est intéressant pour sa facture.

Il s’inspire en effet de l’univers éclaté des deux sœurs, qui assument notamment leur différence à travers leur habillement. « Elles ont un univers très spécifique, très singulier », dit la réalisatrice.

Les nombreuses scènes d’animation du film ont été produites conjointement par Catherine Legault, Jasa Baka et d’autres membres de l’équipe. C’est un univers souvent enfantin, où on voit des boutons d’or pousser sur les collines et des moutons se promener dans les prairies islandaises. Et une musique originale a été créée pour l’occasion.

Mais la vie de Jasa et de Tyr au Canada, qui est relatée dans le film, est elle aussi particulière. Filles de deux artistes, elles ont grandi à Vancouver, dans une maison où l’expression artistique était valorisée d’abord et avant tout. Le « mouton noir » de la famille est d’ailleurs une de leurs sœurs devenue infirmière dans l’armée…

En terre islandaise, le film documente les retrouvailles des deux sœurs avec la famille de leur ancêtre.

 

« Elles ont commencé à faire des démarches en Islande. C’est un pays qui n’est pas très peuplé. L’Islande a environ la population de Trois-Rivières », raconte Catherine Legault.* Traditionnellement, les Islandais changent de nom à chaque génération. C’est pourquoi il existe en Islande une base de données qui permet à chacun de retrouver ses ancêtres.

Lorsque les sœurs se rendent sur l’île où leur arrière-grand-mère habitait dans sa jeunesse, une aubergiste les met en contact avec des membres de sa famille, donnant lieu à des retrouvailles complètement improvisées, et réussies.


* NDLR: la population de l'Islande se situe en réalité environ à 365 000 habitants, tandis que Trois-Rivières a une population d'environ 138 000 habitants.

Soeurs: rêve et variations

Documentaire de Catherine Legault. Canada, 2020, 85 minutes.

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