«Le rire»: faut-il (en) rire?

Il y a sans doute de l’audace à intituler une œuvre Le rire. Martin Laroche (Tadoussac), son scénariste et réalisateur, n’en manque pas, c’est clair, lui qui ose éclabousser ce drame social contemporain d’éléments surnaturels. Comme si, pour casser la monotonie de son récit, il devait couvrir son décor de jets de peinture. Ce qu’il fait, littéralement. Faut-il en rire ou en pleurer ?
L’histoire est celle de Valérie (Léane Labrèche-Dor), préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD, mais surtout (seule ?) survivante d’un génocide survenu « avant » — c’est l’indice temporel. Hantée par ses fantômes, la jeune femme vit son « maintenant » en refoulant ses blessures jusqu’à rejeter toute vengeance.
Parmi les autres personnages, certains sont réels et n’affichent pas de lien avec ce terrible « avant » ; d’autres vivent dans une autre dimension, bien que d’apparence normale. On y retrouve d’un côté Jeanne (Micheline Lanctôt), la bénéficiaire préférée et confidente de Valérie, et de l’autre, une femme de pouvoir (Sylvie Drapeau), personnification de la terreur.
Campé dès les premières scènes dans le paradoxe, figure de style dont on fera appel jusqu’à en abuser, Le rire n’a rien de drôle, sauf peut-être le monologue de la directrice des ressources humaines du CHSLD (Évelyne Rompré). On comprend que Martin Laroche a voulu se moquer des définitions arrêtées. Ainsi, lorsqu’un rire, voire une hilarité se fait entendre, c’est pour instaurer malaise et peur. On ne reproduit pas cependant le Joker aussi facilement.
N’est pas non plus André Forcier qui veut. Le fantastique chez Martin Laroche, s’il rend angoissant le quotidien de Valérie et de son amoureux, tourne souvent à vide. De nombreux faits surnaturels, comme cette peinture lancée ici et là, n’apportent rien à l’intrigue.
Sans queue ni tête, le récit est porté par des scènes qui s’enchaînent… En fait, non, elles ne s’enchaînent pas. Les changements d’une dimension à l’autre manquent de cohérence. Et à force de fuir des dialogues insignifiants, on finit par tomber sur d’autres défauts. La caméra est souvent instable, pas parce qu’elle est en mouvement, mais parce qu’elle n’arrive pas à cadrer un visage sans trembler.
Le scénario, lui, est criblé de trous. Cette supposée « guerre », mise en scène au début du film comme une gênante allusion à la Shoah, n’est guère expliquée. La ville et la société ne portent aucune trace du conflit. Et ce ne sont pas les excuses du boulanger et ex-soldat qui changent la donne, d’autant que la scène manque de crédibilité.
Dans ce film tenu par une distribution presque entièrement féminine, soulignons que Léane Labrèche-Dor, pour son premier grand rôle dramatique à l’écran, s’en sort plutôt bien. Son troublant témoignage, présenté comme un numéro de stand-up comique, est parmi les plus réussis. Qui ne fait pas rire.