Philippe Falardeau ouvrira la 70e Berlinale

«Quand j’ai vu quels films avaient fait l’ouverture de Berlin, j’étais vraiment fier et très ému», a raconté Philippe Falardeau.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir «Quand j’ai vu quels films avaient fait l’ouverture de Berlin, j’étais vraiment fier et très ému», a raconté Philippe Falardeau.

Le 1er février 2019, Philippe Falardeau a dû annuler son souper d’anniversaire afin de rencontrer Sigourney Weaver, à qui il avait envoyé son scénario par l’entremise de son agent, le même que Liev Schreiber, qu’il avait dirigé dans Outsider (Chuck). Près d’un an plus tard, le cinéaste ne regrette pas sa décision puisque l’actrice américaine tient l’un des rôles principaux, une agente littéraire, dans My Salinger Year qu’il ira présenter au Festival international du film de Berlin le 20 février.

« Ils ont vu une version qui n’était pas finie, alors j’ai été étonné — et très content — au mois de décembre lorsque j’ai appris qu’ils le prenaient… et sur le cul quand j’ai su que ça allait être le film d’ouverture », raconte le cinéaste joint au téléphone par Le Devoir.

« C’est seulement depuis quelques jours que je constate l’ampleur de tout ça. Quand j’ai vu quels films avaient fait l’ouverture de Berlin, j’étais vraiment fier et très ému. » Pour mémoire, citons True Grit, des frères Coen, The Grandmaster, de Wong Kar-wai, et The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson.

Comme le rapporte Marc-André Lussier dans La Presse, c’est la seconde fois qu’un film réalisé par un Québécois a l’honneur d’être présenté en ouverture d’un festival européen d’une telle envergure. Rappelons qu’en 1980, Fantastica, drame musical de Gilles Carle mettant en vedette Carole Laure et Lewis Furey, avait été le film d’ouverture du 33e Festival de Cannes. « Ça, ça ne prouve que l’érudition de Marc-André ! Je ne mettrai pas ça dans mon CV », lance Falardeau en riant.

Il s’agit d’une seconde sélection à la Berlinale pour le cinéaste, qui était allé y présenter C’est pas moi, je le jure !, d’après le roman de Bruno Hébert, en 2009. Le film avait remporté le Grand Prix et l’Ours de cristal dans la section Générations, réservée aux films destinés à un jeune public. La projection, devant un public de 1000 personnes, dont la moitié était des enfants, demeure l’un de ses plus beaux souvenirs.

Des airs de famille

 

En plus de renouer avec le festival de Berlin, Philippe Falardeau y retrouvera Carlo Chatrian, nouveau directeur artistique de la Berlinale, qu’il a connu lorsque ce dernier était directeur artistique du Festival du film de Locarno. Chatrian y avait sélectionné Guibord s’en va-t-en guerre, en 2015, soit quatre ans après que Monsieur Lazhar eut été programmé par Olivier Père, qui avait sélectionné Congorama à la Quinzaine des réalisateurs en 2006.

« Les programmateurs de festivals fidélisent les cinéastes. À l’époque, j’avais trouvé Carlo vraiment audacieux de programmer Guibord à la Piazza Grande. À Berlin, à Générations, Maryanne Redpath, qui avait programmé C’est pas moi, je le jure !, est toujours restée en contact avec moi pour savoir si elle pouvait sélectionner un de mes films. Je n’ai pas trop de problèmes à faire partie d’une famille, mais je crois qu’à chaque film, son chemin. »

Photo: micro_scope Troisième long métrage anglophone de Philippe Falardeau, «My Salinger Year» raconte l’histoire de la poète, romancière, critique et journaliste new-yorkaise Joanna Rakoff (Margaret Qualley) losqu’elle est l’assistante de Margaret (Sigourney Weaver, au premier plan), l’agente littéraire de J.D. Salinger.

Outre l’humour salué par Carlo Chatrian, qu’est-ce qui a bien pu séduire le comité de sélection, selon le réalisateur lui-même ? « My Salinger Year est le film que j’ai vraiment le plus soigné, tant dans la forme que dans l’esthétique. J’ai mis ce film en scène de manière lumineuse et ludique. Je suis vraiment content de la réalisation et les images de Sara Mishara sont hallucinantes. »

Des fleurs pour Salinger

 

Troisième long métrage anglophone de Falardeau, après The Good Lie (2014) et Outsider (2016), My Salinger Year est l’adaptation du récit autobiographique éponyme de la poète, romancière, critique et journaliste new-yorkaise Joanna Rakoff (paru en français chez Pocket en 2016).

Campé au milieu des années 1990, le film met en scène Joanna (Margaret Qualley, vue dans Once Upon a Time… in Hollywood, de Quentin Tarantino), aspirante autrice ayant abandonné ses études de deuxième cycle, qui devient l’assistante de Margaret (Sigourney Weaver), aussi élégante qu’exigeante, dans une prestigieuse agence littéraire. Parmi ses fonctions, elle doit répondre aux nombreuses lettres envoyées à un mystérieux Jerry, qui n’est nul autre que l’auteur de l’Attrape-coeurs, J.D. Salinger (Tim Post, vu dans Enemy, de Denis Villeneuve).

« J’ai apporté beaucoup de soin à la perspective féminine, affirme le réalisateur, qui a fait lire les premières versions du scénario à Joanna Rakoff. Quand j’ai rencontré Margaret Qualley, dont j’ai découvert le registre extraordinaire dans Novitiate et la pub de Kenzo de Spike Jonze, je lui ai offert le livre afin qu’elle me parle des trucs qui allaient la toucher. J’ai donc réécrit le film avec son feedback. »

Afin d’être en phase avec ce personnage candide, qui connaît peu Salinger, Philippe Falardeau n’a pas voulu lire l’Attrape-coeurs : « Je l’ai lu après la première version du scénario. J’ai vraiment pogné de quoi ; c’est pas qu’un roman d’ado, c’est un grand, grand, grand roman ! »

En plus de vouloir illustrer l’univers littéraire à travers le prisme de Joanna, le cinéaste tenait à être fidèle à la force des deux personnages féminins. « Ce qui m’intéressait aussi beaucoup dans le propos, c’est que Joanna, qui est très intelligente et curieuse, se retrouve à faire du commerce plutôt que de l’art, de l’autre côté de la clôture du monde littéraire. Quand on fait du cinéma, on est beaucoup exposé à ça, trouver la balance entre le commerce et l’art. »

Ayant confié la musique aux bons soins de Martin Léon, Philippe Falardeau a également fait appel aux talents de Lise Roy (Tom à la ferme, de Xavier Dolan), de Colm Feore (Bon cop, Bad cop d’Érik Canuel), de Yanic Truesdale (la série Gilmore Girls) et de Théodore Pellerin (Genèse, de Philippe Lesage), qui « crève l’écran » aux dires du cinéaste.

My Salinger Year est coproduit par micro_scope (Canada) et Parallel Films (Irlande). La 70e Berlinale se déroulera du 20 février au 1er mars.

Belle présence canadienne

Plus tôt cette semaine, on apprenait que La déesse des mouches à feux, d’Anaïs Barbeau-Lavalette, d’après le roman de Geneviève Pettersen, avait été sélectionné dans la section Génération KPlus et Le XXe siècle, de Matthew Rankin, dans la section Forum. Pour la première fois de son histoire, le festival présentera dans la section Berlinale Series une série québécoise, C’est comme ça que je t’aime, écrite par François Létourneau et réalisée par Jean-François Rivard.

Quatre courts-métrages canadiens figurent aussi dans la section Berlinale Shorts : 2008, de Blake Williams ; Celle qui porte la pluie, de Marianne Métivier ; Écume, d’Omar Elhamy ; et Stump the Guesser, de Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson.


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