«Merci pour tout»: femmes de bonne volonté

Le film mettant en vedette Magalie Lépine-Blondeau et Julie Perreault opère un très chouette revirement de la formule habituelle du «buddy movie».
Photo: Films Séville Le film mettant en vedette Magalie Lépine-Blondeau et Julie Perreault opère un très chouette revirement de la formule habituelle du «buddy movie».

Si l’on en croit la tradition, la saison des Fêtes est celle des retrouvailles et de la félicité en famille. Manifestement, les soeurs Marianne et Christine Cyr n’ont pas reçu le mémo. Un an qu’elles ne se sont pas parlé. Depuis le Noël précédent, en l’occurrence. Oui, parce que, la réalité, c’est aussi que la saison des Fêtes est celle des chicanes familiales. Or, en apprenant le décès inopiné de leur père absent, Marianne se voit forcée de contacter Christine. Déjà compliquées par les volontés du défunt souhaitant qu’on disperse ses cendres dans ses îles de la Madeleine natales, les choses s’embrouillent davantage lorsque les deux femmes découvrent des liasses de billets dans le congélateur paternel.

Réalisé par Louise Archambault, écrit par Isabelle Langlois et porté par Julie Perreault et Magalie Lépine-Blondeau, la comédie Merci pour tout fait un joli pied de nez à cet autre poncif des Fêtes axé sur « les hommes de bonne volonté ». Car, veut, veut pas, ces messieurs en prennent — gentiment, quand même — pour leur rhume dans le scénario d’Isabelle Langlois (auteure de la série Lâcher prise).

Outre ce père qui ne s’avère « présent » qu’une fois mort (« cameo » de Gilbert Sicotte), il y a ce bandit à cravate exilé dans quelque contrée exotique (Guy Nadon) qui tire les ficelles d’un acolyte (Robin Aubert) lancé aux trousses des héroïnes qui ne se doutent de rien. Également du cortège entre Montréal et les Îles : ce jeune homme éperdu d’un amour non réciproque pour l’une des soeurs (Aliocha Schneider), dont l’une contemple un possible divorce d’avec son mari (Jean-François Pichette) tandis que l’autre n’a jamais trouvé son ex aussi attirant (Patrick Hivon) que depuis qu’elle l’a quitté.

Mais voilà, tous ces bonshommes sont relégués à la périphérie narrative. À cet égard, Merci pour tout, et là réside un de ses principaux points d’intérêt, opère un très chouette revirement de la formule habituelle du « buddy movie ». L’une des formes classiques — et historiquement largement masculine — de la comédie, le buddy movie voit naître l’humour du contraste entre deux personnages aux tempéraments opposés : Laurel et Hardy, Jack Lemmon et Walter Matthau, Mel Gibson et Danny Glover, Patrick Huard et Colm Feore, Michel Côté et Louis-José Houde, etc.

Ainsi, la Marianne « control freak » de Julie Perreault et la Christine oscillant entre désinvolture et immaturité de Magalie Lépine-Blondeau ne sont-elles jamais en manque de conflits comiques. Évidemment, il s’agit dans les deux cas d’une carapace, d’un mécanisme de défense : au gré de leur périple routier puis maritime, chacune aura l’occasion de révéler ses angoisses, de dévoiler ses failles…

Vedettes complices

 

Oui, on rit beaucoup, la scénariste maîtrisant l’art de la réplique incisive, mais on ne s’éloigne jamais de l’humanité des protagonistes, que les deux actrices, très complices, parviennent si bien à incarner. Mention spéciale à Robin Aubert, désopilant en truand maladroit (et moustachu). À l’inverse, le personnage de « l’amant stalker » fait l’effet d’une fausse note burlesque.

Elle qui a réalisé le si poignant Il pleuvait des oiseaux, Louise Archambault n’a aucun mal à changer de registre. La cinéaste se gâte avec une mise en scène dynamique, colorée, et faisant la part belle à des plans de grands espaces sur terre, dans les airs et sur l’eau. La direction photo du vétéran Yves Bélanger (Sharp Objects, Richard Jewell) est sans surprise excellente, tout comme le montage d’Isabelle Malenfant (Pieds nus dans l’aube, Fabuleuses), qui maintient un rythme allègre.

Certes, l’ensemble n’est pas exempt de ressorts dramatiques parfois gros. Surtout, et contrairement à Marianne et à Christine, on sait d’entrée de jeu où tout cela s’en va. Mais justement, la raison d’être d’un road movie n’est-elle pas le voyage plutôt que la destination ?

Quoi qu’il en soit, Merci pour tout fait amplement le travail en matière de comédie légère qui réchauffe le coeur. Et ça aussi, c’est de saison.

Merci pour tout

★★★ 1/2

Comédie dramatique de Louise Archambault. Avec Julie Perreault, Magalie Lépine-Blondeau, Robin Aubert, Guy Nadon, Aliocha Schneider, Jean-François Pichette, Patrick Hivon. Québec, 2019, 99 minutes. À l’affiche dès le 25 décembre