«Teen Spirit»: au bout du conte

Violet Valenski habite dans une ferme de l’île de Wight, au sud de l’Angleterre. Avec sa mère, elle s’occupe des animaux, travaille les soirs et la fin de semaine, et va à l’école le reste du temps. D’où, sans doute, son air perpétuellement las. Et d’où, encore, cette propension à se visser des écouteurs dans les oreilles. Pour se couper du monde, de ce monde. La musique est pour l’adolescente une passion. Elle est, qui plus est, douée pour le chant. Très. Tellement que lorsqu’elle s’inscrit clandestinement à une audition pour un concours national, sa candidature est retenue. Qu’on ne s’y trompe pas : Teen Spirit a beau se présenter sous des atours réalistes et contemporains, il s’agit d’un conte.
C’est assumé puisqu’à un moment, un personnage, Vlad, lance les mots « il était une fois » au détour d’une réplique. Vlad, chanteur d’opéra déchu, occupe en l’occurrence la fonction de bonne fée marraine auprès de la Cendrillon moderne qu’est Violet.
À maints égards, ce premier long métrage en tant que réalisateur du jeune comédien Max Minghella (fils d’Anthony « Le patient anglais » Minghella) constitue une variation de films tels Fame et Flashdance « revampée » pour l’ère Britain’s Got Talent et autres The Voice, dont tous les territoires ont désormais leur version.
Autant cela se traduit par une impression de déjà-vu, autant cela confère une universalité au récit. Car il y a quelque chose de spontanément reconnaissable et attachant dans le rêve pourtant pas original du tout de Violet. Elle souhaite chanter, certes, mais elle désire aussi s’élever au-dessus de ce qu’on lui a toujours affirmé être son lot.
C’est là une formule éculée, mais éprouvée. Et assez irrésistible lorsque bien reprise.
Deux atouts
Qu’en est-il du scénario de Minghella ? Il est, à l’instar des chansons pop qu’entonne Violet, adéquatement structuré. Chaque développement — chaque « beat » — obéit à une mélodie narrative préétablie, mais curieusement satisfaisante à cause de cela.
Teen Spirit, du nom du concours télévisé auquel participe Violet, a en outre deux atouts de taille. D’abord, Elle Fanning s’avère merveilleuse dans le rôle principal. Elle est au commencement cette jeune fille de province inconsciente de posséder une beauté, un éclat, qui de manière intangible, indicible, la rend étrangère à son morne environnement. Quand, plus tard, elle arbore un glamour de circonstances, sa fausse assurance touche.
Non seulement l’actrice américaine, après avoir joué des Anglaises de diverses époques avec un bonheur inégal (Ginger Rosa, Mary Shelley, Maléfique), convainc-t-elle en fille d’émigrante polonaise (émouvante complicité avec Agnieszka Grochowska), mais elle possède une voix juste assez riche pour rendre crédible le parcours de Violet.
L’autre atout réside dans les numéros musicaux. Jouant d’un montage, à nouveau pas transcendant mais efficace, qui alterne des images de Violet dans sa campagne, en répétition puis en audition ou en concert, Minghella maintient un dynamisme plaisant tout en marquant une évolution dans l’univers de la protagoniste, qui passera du dénuement au clinquant.
Fin attendue
Évidemment, à la onzième heure, ses quinze minutes de gloire monteront à la tête de Violet. Compromettra-t-elle ses chances de l’emporter ? Et ce contrat qu’on la presse de signer, va-t-elle le parapher ? Des questions accessoires, il va sans dire, l’issue du récit n’étant jamais remise en doute.
Pour le compte, il eût été intéressant que Max Minghella s’inspire de son héroïne et aspire à davantage. Tel qu’il est, son film fonctionne, mais à la hauteur de ses modestes ambitions.