La beauté n’est pas toujours là où on le croit

Giorgio Ferrero travaillait à la fois en publicité et en cinéma lorsqu’il a eu l’idée, ou plutôt le besoin, de faire le documentaire Beautiful Things, présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM). Partagé entre le monde de l’art et celui du commerce, père d’un jeune enfant, Ferrero s’interrogeait sur cette course à la consommation qu’il constatait autour de lui et chez lui. « Je me rendais compte qu’il y avait quelque chose qui clochait à propos de cette compétition pour acheter des objets. Je me suis dit qu’il fallait que je regarde autour de moi », dit le cinéaste, joint à Vienne, où il s’est rendu avant de venir à Montréal.
Alors qu’il fait la rencontre d’un scientifique qui travaille dans une « chambre anéchoïque », cet endroit où on mesure les décibels produits par un objet avant de le mettre en marché, il réalise que toutes sortes de métiers méconnus entourant la production des biens de consommation existent.
Il décide alors de bâtir un film autour des quatre cycles des biens de consommation, leur production, à partir du pétrole extrait du désert, leur transport dans des cargos géants, leur passage dans la chambre anéchoïque, puis leur destruction dans un incinérateur. Ce voyage se fait aux côtés de quatre hommes travaillant, le plus souvent seuls, dans chacun de ces domaines.

Il en résulte un film d’une grande beauté, qui pose pourtant les yeux sur un champ de pétrole, un cargo, une chambre anéchoïque et un incinérateur, qui n’ont rien de romantique. « C’est le vrai message du film, de dire qu’il y a de la beauté dans le monde », dit Ferrero en entrevue, au-delà des biens de consommation. Le film, qui est cosigné par Federico Biasin, est d’une grande sensibilité auditive et visuelle.
Celui-ci commence avec Van Quattro, travailleur d’un champ de pétrole du Texas. Dans la solitude du désert, il raconte sa relation trouble avec son père, qui travaillait dans ces mêmes champs, son passage à Los Angeles, puis son retour au Texas. Au fil de l’entrevue, il raconte aussi les différentes couleurs que peut prendre le pétrole, selon la profondeur à laquelle on le puise. Il est vert lorsqu’il est tiré au printemps, jaune lorsque le sol est sablonneux, ou encore franchement rouge. « C’est le sang du monde », entend-on dans le film.
Danilo Tribunal est pour sa part ingénieur sur un cargo. C’est sur ces gros bateaux, le sien fait 300 mètres de long, que transitent 95 % des marchandises exportées mondialement. Giorgio Ferrero l’a rencontré à la cantine des marins.

« Le plus drôle, c’est que j’avais écrit un scénario fictif avec une description des personnes exerçant chacun des métiers. Lorsque je me suis rendu sur les lieux et que j’ai dit que je cherchais ce type de personne, on m’a dit que cela correspondait à 99 % des gens travaillant dans ce métier », raconte Guillermo Ferrero.
Andrea Pavoni Belli est le scientifique qui travaille dans la chambre anéchoïque. Il nous entraîne dans un monde de silence, voire de méditation, qui contraste avec le tapage inhérent à la surconsommation. Le cycle se termine dans un incinérateur de Suisse, où Vito Mirizzi, un ancien développeur de jeux vidéo, se consacre à brûler et à transformer des tonnes de déchets.
« J’ai choisi l’incinérateur le plus performant, où l’on transforme beaucoup d’énergie, notamment pour chauffer les maisons », raconte Giorgio Ferrero. Reste que de grandes quantités de liquides toxiques restent enfouies dans le sol, à défaut d’y être brûlées. « Chacun doit s’occuper de sa propre merde », dit Vito Mirizzi.