«Venom»: la fulgurance des fluides

Venom, ce héros de stature modeste issu de la constellation Marvel, possède maintenant son propre carré de sable, ne vivant plus dans l’ombre de Spider-Man.
Photo: Sony Pictures Venom, ce héros de stature modeste issu de la constellation Marvel, possède maintenant son propre carré de sable, ne vivant plus dans l’ombre de Spider-Man.

Si Paul Verhoeven n’était pas devenu un paria à Hollywood, nul doute qu’un superhéros comme Venom l’aurait inspiré, lui permettant de réussir là où il avait (plus ou moins) échoué avec Hollow Man, l’histoire de ce scientifique devenu invisible, et démoniaque. Son humour un brin pervers aurait bien servi cet univers.

Ce héros de stature modeste issu de la constellation Marvel possède maintenant son propre carré de sable, ne vivant plus dans l’ombre de Spider-Man, visiblement prêt à casser la baraque à son tour, même si ça commence à ressembler à une vieille rengaine de l’ère numérique. Projet de modeste envergure, avec un cinéaste du même acabit, Ruben Fleischer (Zombieland, Gangster Squad), Venom permet à l’acteur anglais Tom Hardy de s’imposer sans que personne lui fasse ombrage, qu’il s’agisse de Charlize Theron (Mad Max : Fury Road) ou Christian Bale (The Dark Knight Rises).

Désordonné, insolent : c’est ce qui frappe devant son personnage, Eddie Brock, un journaliste de San Francisco prêt à tout pour traquer les filous devant sa caméra, même s’il doit fouiller dans les papiers d’Anne (Michelle Williams, aussi peu crédible qu’Amy Adams aux côtés de Superman…), avocate, et surtout sa future épouse. C’est à ces documents confidentiels qu’il confronte Carlton Drake (Riz Ahmed, recto tono), un scientifique de renom, recueillant dans l’espace d’étranges matières capables de s’accrocher à des êtres vivants. Ses expérimentations se poursuivent sur des humains, et Brock en veut la preuve, mais perdra son boulot pour cause de ténacité excessive. Après sa chute, il est encouragé à poursuivre son enquête sous l’impulsion d’une collaboratrice du savant fou ayant un sursaut d’éthique. Pour ce journaliste dans l’âme, s’approcher d’aussi près de ces fluides foudroyants va le transformer, et l’obliger à cohabiter avec un « parasite », terme que déteste cette créature de l’au-delà (avec la voix, encore plus caverneuse, de Tom Hardy !).

Cette dualité intérieure constitue un élément singulier de ce récit syncopé — fruit d’un montage sacrifiant souvent la cohérence narrative — d’une invasion qui tourne au vinaigre puisque les forces du bien et du mal se livrent à nouveau bataille. Au passage, quelques séquences spectaculaires qui transforment San Francisco en champ de ruines, ou plutôt en piste de course automobile, d’une esthétique aseptisée pour donner quelques sueurs froides, sans jouer la carte des mutations délirantes, dégoulinantes. On s’ennuie presque de David Cronenberg…

Sans sauver Venom de la banalité routinière de ce saucissonnage de superhéros ne nous laissant pas de répit, un certain humour traverse cette escapade, celui d’un homme brouillon et impulsif aux prises avec un corps étranger qui le domine, et le juge, parfois en termes crus ! Pas de quoi se taper sur les cuisses, mais à ce spectacle, très physique, Tom Hardy se dévoue entièrement, toujours avec un léger sourire en coin, l’air ahuri, ou lendemain de veille.

Cette aventure s’articule avec l’espoir jamais discret d’une récidive, mais en quoi cette petite débauche d’effets spéciaux se distingue de toutes les autres, étiquette Marvel ou pas ? Comme certains politiciens, Ruben Fleischer livre la marchandise. Quant à le faire de façon inspirée, le bon « parasite » ne circulait pas dans les parages.

★★ 1/2

Science-fiction de Ruben Fleischer. Avec Tom Hardy, Riz Ahmed, Michelle Williams, Jenny Slate. États-Unis, 2018, 112 min.

Venom

★★ 1/2