Le désir féminin éclate au festival

La caméra ne cherche à offrir ni romantisme ni crudité visant l’excitation du spectateur. Juste des désirs, le plaisir, des sons, un visage comblé, des aventures sexuelles non dépourvues de tendresse amicale.
Photo: TIFF

La caméra ne cherche à offrir ni romantisme ni crudité visant l’excitation du spectateur. Juste des désirs, le plaisir, des sons, un visage comblé, des aventures sexuelles non dépourvues de tendresse amicale.

On a vraiment eu droit à un coup de poing vendredi soir. Un film sur le désir féminin vu par une femme (Renée Beaulieu) et joué par une autre : Brigitte Poupart.

La salle était remplie pour la première du long métrage québécois au TIFF et les spectateurs sont restés, dérangés ou pas, sous applaudissements timides à la fin, mais beaucoup de questionnements autour des Salopes ou le sucre naturel de la peau, à la nudité omniprésente mais sans voyeurisme.

On sentait que le dernier tabou, celui du désir féminin, était levé. La cinéaste hésitait entre un titre provocateur et un autre poétique. Une voix lui a conseillé de garder les deux. Après son plus classique Le garagiste en 2015, rien ne préparait à l’audace de ce film-ci, qu’elle revendique comme son désir. « J’ai voulu faire quelque chose de frontal. Les femmes ne sont jamais vues, nous dit Renée Beaulieu après la projection. Elles sont objectivées, dépeintes comme si elles attendaient sans fin le prince charmant, mais elles désirent aussi. »

Ce corps palpitant, c’est celui d’une mère de famille (Poupart), chercheuse en dermatologie sur la réaction de la peau au désir. Une femme qui a des amants en secret de sa famille, dans son couple ouvert mais pas tant que ça avec son mari (Vincent Leclerc), qui prend mal la découverte de sa double vie. Ajoutez une copine (Nathalie Cavezzali) en quête du grand amour, une fille préadolescente qui aime la sexualité aussi (Romane Denis). Une mère sensuelle (Louise Portal). Les chiens ne font pas des chats : ici, cette lignée de femmes désirantes, auxquelles la société met des bâtons dans les roues.

Et voici cette oeuvre très physique, remplie de corps à corps sexuels, où les interprètes se sont donnés entièrement, comme nous le précisait Brigitte Poupart. Car nul ne peut tricher. Il fallait accepter de se livrer. Les acteurs ont joué sans filtre, hors du champ pornographique ou esthétisant, dans celui du don.

Ni romantisme ni crudité

 

La caméra ne cherche à offrir ni romantisme ni crudité visant l’excitation du spectateur. Juste des désirs, le plaisir, des sons, un visage comblé, des aventures sexuelles non dépourvues de tendresse amicale, mais qui ne se jouent pas le simulacre de l’amour, sinon à bon escient.

Le champ visuel est ici occupé par des corps parfois imparfaits, mais qui exultent. Au centre : une femme à la mi-quarantaine dont la peau vibre et qui habite son corps. « Tu me vois. Tu me rejoins dans ma quête », précise Brigitte Poupart. Renée Beaulieu, elle, cherchait avant tout à provoquer, pour casser le moule des images mentales entourant cette sexualité féminine jamais nommée. « J’ai été au-delà de mes propres limites, » expliquait la cinéaste.

En cette période de #MeToo et des questionnements sur le consentement mutuel, le personnage du collègue de cette femme et amant occasionnel (Normand D’Amour), qu’une élève accuse (avant de retirer sa plante) d’agression sexuelle, et qui doit s’exiler, montre aussi les zones grises où le désir peut se loger.

Ce long métrage audacieux et fort, avec une actrice de puissance et de générosité, en troublera plusieurs et en libérera peut-être d’autres. Il ouvrira surtout une brèche sur un monde sous-terrain en nos époques de prétendues libérations : celui, occulté, de la sexualité féminine qui cherche ici sa vérité. Les salopes ou le sucre naturel de la peau devraient voyager beaucoup sur la planète festival. Il a un son neuf à livrer.
 



Une version précédente de ce texte, qui identifiait Francis Leclerc comme interprétant le mari et Charlotte Aubin comme la fille préadolescente, a été modifiée.

 

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