«Annihilation»: apocalypse en fleur(s)

C’est dans l’air, c’est dans l’eau, c’est sous la peau. Dans Annihilation, l’envahisseur extraterrestre ramène la notion d’invasion au niveau cellulaire. Après le remarquable Ex Machina, le cinéaste Alex Garland contemple à nouveau une humanité simultanément architecte et témoin de sa propre destruction. Cela, avec dans le regard un mélange unique de fatalisme et de fascination.
Le film démarre avec l’écrasement d’une météorite qui engendre des mutations inédites dans un périmètre en expansion : la Zone X. Nul n’en revient jusqu’à ce que Kane (Oscar Isaac) reparaisse chez lui, hagard.
Lena (Natalie Portman), sa conjointe, se joindra à une nouvelle expédition menée par la docteure Ventress (Jennifer Jason Leigh).
Plus littéral
Biologiste spécialisée dans le cycle cellulaire, Lena est bien outillée pour comprendre ce qui se passe : l’une des premières scènes la montre expliquer à des étudiants comment chaque cellule a la capacité de sedédoubler et est vouée à s’autodétruire. On extrapole au genre humain, et tout le propos du film est là.
Ainsi, après les promesses séduisantes mais trompeuses de l’intelligence artificielle dans Ex Machina comme allégorie d’une humanité en péril, Alex Garland se fait plus littéral dans Annihilation, adaptation libre d’un roman de Jeff VanderMeer.
Raconté de manière non linéaire, avec retours à l’héroïne en quarantaine qui relate sa mission au cours de laquelle elle est assaillie par des souvenirs évoqués en flash-back gigognes, le récit sacrifie sa fluidité au profit d’un excès de sophistication narrative.
Curieusement, ce second opus ressemble davantage à un premier film, alors que Garland appuie ses influences comme un nouveau venu désireux de démontrer son talent (qui n’est pourtant pas à prouver !).
Ambitieux, intrigant…
Les clins d’oeil à John Carpenter abondent, à La chose (The Thing) et Starman. Or, il s’agit surtout d’un croisement entre Stalker d’Andreï Tarkovski et L’invasion des profanateurs (Invasion of the Body Snatchers) de Philip Kaufman. Lancé dans cette Zone X horrible et merveilleuse, le groupe exclusivement féminin cherche non pas la « Chambre », mais le phare mystérieux d’où émane le phénomène qui provoque l’éclosion de fleurs mutantes, la naissance de doublons interespèces…
Le tout, explicité dans un dialogue qui tient lieu de profils psychologiques aux personnages secondaires : « celle-ci a perdu sa fille », « celle-ci s’automutile », « celle-ci est une ex-junkie », etc. La distribution, Portman et Leigh en tête, n’en offre pas moins un jeu solide.
Vers la fin, Garland tente de créer un moment de transcendance équivalant au vortex lumineux de 2001. Hélas, ce qui a précédé n’est pas du même calibre : Annihilation est ambitieux, intrigant, mais inabouti.