Cinéma - Confusion des genres
Drôle de mélange que cette Peau blanche! Habituellement, les films qui jonglent avec les histoires de vampires et autres créatures fantastiques destinées à distiller l'angoisse se cantonnent en des zones extrêmes, avec du sang, des aventures rocambolesques à caractère surnaturel ou beaucoup d'humour (comme dans Karmina), bref pas grand-chose dans le scénario qui colle à la vraie vie. Pas ici. Adaptant à l'écran le roman de Joel Champetier, Daniel Roby, pour son premier long métrage, a jumelé — rare union — l'atmosphère d'un film d'auteur à celle d'un conte fantastique.
Ce qui commence comme la classique histoire de colocataires mariant tant bien que mal leurs quotidiens et faisant la fête à l'hôtel deviendra bien vite une histoire de succubes qui vident les hommes de leur substance pour s'en nourrir. Ces vampires femelles, ici membres d'une même famille composée exclusivement de femmes, n'ont rien à voir avec Dracula. Sous des dehors aguichants, elles recherchent l'union physique afin de pouvoir planter leurs dents dans une jugulaire gorgée de sang. Mais voici que l'une d'entre elles, Claire (Marianne Farley), refuse de souscrire aux moeurs familiales et dépérit sous les yeux désolés de son amoureux, Thierry (Marc Paquet), qui détestait les rousses avant de craquer pour Claire, laquelle lui en fait pourtant voir de toutes les couleurs.Henri (Frédéric Pierre) est le colocataire de Thierry et tout a commencé quand une des escortes qu'il a conviées pour lui et son ami l'a attaqué sauvagement. Dans La Peau blanche s'entremêlent donc des éléments de thriller, de la chronique intimiste d'une amitié masculine, d'une romance et d'un film de vampires, avec une caméra sensible qui ne traque pas l'effet-choc.
Le mélange ne produit pas les meilleurs effets, car le ton doux et l'horreur ne font pas très bon ménage. Les genres, qui ont chacun leur rythme, s'emboîtent mal. De plus, la direction d'acteurs apparaît très faible et la plupart des interprètes jouent faux, ce qui n'est pas pour ajouter quelque vraisemblance à cet univers en deux temps. Seule Marianne Farley, en vampire repentie et amoureuse, montre un certain charisme. Les actrices qui campent ses soeurs et sa mère font dans la caricature alors que Marianne Farley ménage ses effets. Deux rythmes donc, et qui boitent.
En fait, on se demande à quel public s'adresse vraiment La Peau blanche. Les ados amateurs de films gore sanguinolents s'y trouveront en panne de vraies sensations fortes et les amateurs d'oeuvres d'auteur à registre plus confidentiel y perdront leurs repères. Malgré tout, Daniel Roby a manifesté une véritable audace en tentant pareille aventure pour un premier long métrage. Cette incursion dans l'entre-deux-mondes lui aura sans doute appris beaucoup sur les pièges de la confusion des genres.