«Hochelaga, terre des âmes»: à la lumière du passé

Un rai de lumière dorée éclaire le feuillage luxuriant d’arbres dressés aux abords d’un ruisseau. L’image est idyllique, mais voilà qu’un travelling arrière dévoile plutôt une scène de massacre. Poursuivant son mouvement, la caméra révèle la présence d’un prophète : « Grand Esprit, donne-nous la force de refermer ces plaies hurlantes », prie-t-il. Magnifique, la séquence d’ouverture d’Hochelaga, terre des âmes annonce, par ledit travelling arrière, ou « retour en arrière », que le film entier sera consacré à l’exploration du passé. Celui de la métropole.
De ce prologue campé en 1267, on passe au présent alors qu’un jeune doctorant, Baptiste Asigny (Samian), effectue sa soutenance de thèse. La présentation consiste en une déclinaison de trouvailles archéologiques faites au stade Percival-Molson dans la foulée d’un affaissement de terrain ayant coûté la vie à un joueur.
Sis au pied du mont Royal, l’endroit aurait jadis accueilli le mythique village iroquoien d’Hochelaga, siège ultérieur de Montréal.
Ancrage narratif
À chaque artefact exhumé, une mémoire revisitée : celle d’un trappeur épris d’une « diablesse algonquine », comme la désigne un prêtre en fulminant, celle de patriotes aidés par une riche Anglaise, celle de Jacques Cartier lors de sa rencontre avec le chef Tennawake.
Comme dans son précédent long métrage Le violon rouge, François Girard prend un point d’ancrage narratif, ici un lieu plutôt qu’un instrument, autour duquel il déploie plusieurs histoires. Cela, pour mieux n’en raconter qu’une.
Film de la quête identitaire, thème fédérateur du cinéma québécois s’il en est, c’est aussi un film de la réconciliation, chaque sous-récit, passé(s) et présent confondus, présentant une situation de métissage, de collaboration, d’ouverture, etc. Et cela, afin que cicatrisent ces « plaies hurlantes ».
Pertinence et beauté
Aidé par Nicolas Bolduc à la photo et Gaétan Huot au montage, François Girard peint là une fresque ambitieuse. Le niveau de jeu n’est certes pas toujours égal et certains développements apparaissent faciles, mais nombre d’idées séduisent. On pense notamment à cette séquence où les morts — ou âmes — du film sont aperçus dans les gradins, témoins silencieux d’un présent illuminé par le passé.
En entrevue, François Girard a dit espérer qu’Hochelaga, terre des âmes s’inscrira dans la durée.
Pour sa beauté et sa pertinence, c’est la grâce qu’on souhaite au film.