À voir à la télévision le mardi 13 avril - Plus qu'une atmosphère
Certains films peuvent se résumer en une seule réplique. Pour Hôtel du Nord (1938) de Marcel Carné, il suffit de dire «Atmosphère! Atmosphère!» et Arletty apparaît sur un petit pont du canal Saint-Martin en compagnie de Louis Jouvet. Plus tard dans sa carrière, pour soutenir des oeuvres de charité, l'actrice lancera un parfum portant ce nom évocateur...
Le réalisateur de Quai des brumes et des Visiteurs du soir n'appréciait pas tellement le «pittoresque outré» de ces répliques mais, en revanche, il vouait à Arletty une telle dévotion que l'actrice semble la seule et unique vedette d'Hôtel du Nord. À l'époque, le cinéma français était davantage subjugué par la pulpeuse Annabella, une starlette ayant commencé sa carrière auprès d'Abel Gance (Napoléon) et de René Clair (Sous les toits de Paris) avec un détour infructueux à Hollywood. Carné ne partageait pas cette ferveur, poussant même ses scénaristes Jean Aurenche et Henri Jeanson — Jacques Prévert n'était pas disponible — à fournir les dialogues les plus brillants à celle qui fut sa Garance dans Les Enfants du paradis.Dans la plus pure tradition du réalisme poétique français, où l'humour, l'amour et le désespoir font souvent bon ménage, Hôtel du Nord présente les destins croisés de deux couples, l'un très romantique et l'autre plus terre à terre (devinez où se cache Arletty... ). Suicides, trahisons, mensonges et petites misères du petit peuple de Paris se mélangent dans cette histoire merveilleusement irréaliste, où les personnages semblent en sursis, comme toujours chez Carné. Ils évoluent dans un décor affichant un côté résolument carton-pâte, la vérité du film se trouvant davantage dans ses dialogues percutants et ses situations rarement équivoques, où l'on ne fait d'ailleurs pas mystère de ses (mauvaises) intentions. Hôtel du Nord, une adresse à retenir pour découvrir un Paris qui n'existe plus.
Hôtel du Nord
Artv, 20h