«Trip à trois» — La «beigitude» des choses

Épouse fidèle, mère dévouée, employée modèle, Estelle (Mélissa Désormeaux-Poulin), la mi-trentaine, réalise que sa vie manque de piquant lorsqu’une promotion lui échappe au profit d’une collègue plus jeune et plus flamboyante (Karine Gonthier-Hyndman). Bref, madame est un peu plate…
En discutant avec sa soeur (Bénédicte Décary), croqueuse d’hommes en série, et ses copines, l’une mère indigne au bord de la crise de nerfs (Anne-Élisabeth Bossé), l’autre éternelle célibataire (Geneviève Schmidt), elle décide alors d’organiser un trip à trois dans le dos de son chum Simon (Martin Matte).
En apprenant la nouvelle, Simon annonce à Estelle qu’il est prêt à tenter l’expérience. Bientôt, le couple en panne de désir comprend que même les fantasmes les plus convenus ne se concrétisent pas aussi facilement qu’au cinéma.
À la fin des années 1960, le cinéma québécois a dénudé les jeunes filles sages et les femmes au foyer afin d’offrir aux spectateurs de médiocres comédies coquines. Rassurez-vous, ce n’est pas du tout dans cette veine-là que s’inscrit la comédie du réalisateur Nicolas Monette (Aurélie Laflamme. Les pieds sur terre) et du scénariste Benoît Pelletier (Le sens de l’humour d’Émile Gaudreault). Sans aller jusqu’à dire que Le trip à trois est une comédie familiale, le tout se rapproche davantage de la prude sitcom que de ce qu’on appelait à l’époque un film de fesses.
En fait, Le trip à trois emprunte davantage aux comédies américaines folichonnes à la Bridesmaids ou à la Bad Moms, avec un soupçon de Sexe à New York — Estelle n’est pas sans rappeler la romantique Charlotte au sein de ce quatuor sympathique qui l’encourage à s’encanailler pour sauver son couple. Dans son illustration des aléas de la vie conjugale, Le trip à trois pourrait faire office du pendant féminin et lumineux du Mirage de Ricardo Trogi et Louis Morissette. Certes, ce ne sont pas tous les personnages qui ont droit à un happy-end, mais la comédie n’abandonne pas le spectateur sur une note amère.
Par la présence de Martin Matte, qui a pris du galon depuis sa désastreuse expérience dans Nitro et qui laisse le champ libre à sa partenaire, l’ensemble évoque également un long épisode des Beaux malaises. Le rythme y est tonique, le ton léger et les répliques amusantes. Rompue aux rôles dramatiques, Mélissa Désormeaux-Poulin fait montre d’un bel aplomb dans le registre comique. À ses côtés, Karine Gonthier-Hyndman fait mouche à chacune de ses apparitions, tandis que Bénédicte Décary, Anne-Élisabeth Bossé et Geneviève Schmidt s’en donnent à coeur joie à s’échanger des propos salaces.
Au bout de compte, Le trip à trois est une comédie plus polissonne que vulgaire, plus sage que sulfureuse sur l’empowerment féminin où l’on célèbre les petits bonheurs de la vie à deux. Et avec tous les attristants et révoltants témoignages lus ou entendus dans la foulée de l’affaire Weinstein, cette comédie où l’on rigole sainement de sexualité apparaît presque comme un baume au coeur.