Première nord-américaine de «Tadoussac»: incursion sur la planète femmes du réalisateur Martin Laroche

Le 36e Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT) présente aujourd’hui, lundi, la première nord-américaine de Tadoussac, un film de Martin Laroche mettant en vedette Isabelle Blais et Camille Mongeau empreint d’une sensibilité toute féminine. Retour sur un film indépendant aux rôles féminins forts, dimension trop peu exploitée dans notre cinéma.
Chloé, 18 ans, quitte Montréal en catastrophe. En autostop, elle se rend jusqu’au village touristique de Tadoussac, endormi pour l’hiver. Le spectateur comprend alors que Chloé (Camille Mongeau) est à la recherche de ses origines enveloppées d’un voile de mystère. Elle y rencontre Myriam (Isabelle Blais), qui pourra peut-être, sans le savoir, l’aider dans sa quête. L’intrigue se déploie au compte-gouttes, démêlant un à un les fils de l’écheveau qui unit les deux personnages principaux.
« J’aime bien les films qui ne vont pas nécessairement tout résoudre, c’est-à-dire des films qui après la projection te laissent travailler, te laisse faire ton propre cheminement intellectuel, te poser des questions, essayer de voir comment les personnages vont continuer de se développer après le film », explique le réalisateur Martin Laroche, un habitué du village de la Haute-Côte-Nord dont le calme plat de l’hiver, qui contraste avec l’achalandage festif de la belle saison, habite le scénario. « Ce n’est pas du tout un film policier, mais j’ai voulu faire quelque chose de policier en termes de dévoilement des indices pour arriver à la fin sur les réponses à toutes les questions que l’on se pose depuis le début. »
Si son dernier long métrage, Les manèges humains, traitait d’excision avec un aplomb provocateur, Tadoussac aborde ici la maternité de manière tout aussi « frontale », un exercice en phase avec notre époque. Lorsqu’interrogé sur sa propension à investir des univers féminins, le réalisateur affirme poursuivre une réflexion sur la place de second plan du beau sexe au grand écran.
« Ça m’énerve la façon dont sont traditionnellement représentés les personnages féminins au cinéma. Souvent, ce sont des personnages qui vont être plus plats que les personnages masculins, qui vont se définir souvent par le rapport à l’homme, ça va être des mères, des blondes ou des femmes fatales, tandis que les personnages masculins vont avoir une complexité psychologique plus grande. Humblement, j’essaie de faire des personnages féminins qui pourraient me ressembler, plaide-t-il. Naturellement, je ne suis pas excisé, je ne vivrai pas l’enfantement ou la maternité, mais je pense qu’on partage beaucoup d’aspects psychologiques. Donc, j’essaie d’intégrer ça dans ces personnages, c’est un beau défi. L’histoire récente de la femme à travers le monde a énormément changé. Mais on vit encore avec des stigmates, des comportements ou des préjugés passés intéressants à explorer dans la représentation du réel. J’essaie toujours d’amener une certaine forme de réflexion. »
Camille Mongeau, qui campe une Chloé chancelante, mais déterminée à parvenir au terme de sa quête, a d’ailleurs reçu un prix d’interprétation au Festival international du film francophone de Namur pour son jeu empreint de subtilité où le silence prend autant de place que la parole. La Myriam d’Isabelle Blais qui lui donne la réplique est tout aussi crédible : on comprend qu’elle cache autre chose derrière la fille de party qu’elle laisse voir aux autres.
Le film sera présenté en première montréalaise au Festival Cinémania début novembre, ainsi qu’au Festival international du film de Thessalonique. Il prendra ensuite l’affiche dans quelques salles à partir du 1er décembre.