«Les rois mongols»: il était une fois dans l’Est

Dans ce film, les jeunes acteurs ne manquent pas de conviction.
Photo: Échos Médias Dans ce film, les jeunes acteurs ne manquent pas de conviction.

Qui de mieux qu’une ado rebelle pour illustrer le Québec de l’après-Révolution tranquille ? Certes, la métaphore manque peut-être de finesse, mais entre les mains de Nicole Bélanger, qui coscénarise son roman Les rois mongols, et de Luc Picard (L’audition, Babine, Esimésac), qui signe ici son film le plus abouti, elle ne manque certainement pas d’allant, d’émotion, ni d’humour.

Leur père se mourant d’un cancer (Martin Desgagné), leur mère sombrant dans la dépression (Maude Laurendeau), Manon (Milya Corbeil-Gauvreau) et son petit frère Mimi (Anthony Bouchard) sont hébergés chez leur oncle (Jean-François Boudreau) et leur tante (Julie Ménard). Tout va malgré tout pour le mieux, jusqu’à ce que la menace d’être placés séparément dans une famille d’accueil plane.

Inspirée par les actions du FLQ et les propos révolutionnaires de son cousin Paul (Gabriel Lemire), Manon convainc Mimi et leurs cousins Martin (Henri Picard) et Denis (Alexis Guay) de kidnapper une voisine âgée (Clare Coulter) afin de revendiquer leurs droits et libertés. 

Une petite révolution

 

Campé en octobre 1970 dans le quartier pauvre de l’est de Montréal, Hochelaga-Maisonneuve, Les rois mongols n’est pas sans rappeler, façon conte pour enfants, Octobre, plus grand film de Pierre Falardeau, où Luc Picard incarnait l’un des ravisseurs du ministre Laporte, et le chef-d’oeuvre de Michel Brault, Les ordres. On ne peut d’ailleurs s’empêcher d’esquisser un sourire à l’apparition de Sophie Cadieux en travailleuse sociale, véritable clone de Louise Forestier, le « r » bien roulé à l’appui, dans le film précédemment cité.

Au-delà de l’aspect conte et de ses quelques moments cousus de fil blanc, Les rois mongols traduit non seulement la volonté du scénariste-réalisateur de raconter aux jeunes un tragique moment historique, mais aussi de rappeler que malgré ses acquis — l’assurance-maladie, la DPJ, la loi 101 —, la société d’aujourd’hui n’est pas si loin de celle d’hier. Ainsi, certaines situations que vivent les personnages — solitude des aînés, tabou de la dépression, attente pour les soins de santé, manque de soutien aux aidants naturels, précarité d’emploi — sont toujours d’actualité. « Au pays de Québec, rien ne doit mourir, rien ne doit changer », annonçait Louis Hémon dans Maria Chapdelaine

D’une reconstitution d’époque remarquable, rehaussée par la photo de François Dutil, tantôt aux teintes grisâtres pour les scènes urbaines, tantôt aux chaleureuses teintes automnales pour les scènes à la campagne, cette charmante adaptation du roman de Nicole Bélanger dévoile une nouvelle facette de la sensibilité de Luc Picard, qui orchestre avec bonheur conte à saveur sociale, page d’histoire politique et récit d’apprentissage.

Pour ajouter au plaisir de ce tendre film au ton doux-amer, Luc Picard a fait appel aux services de Viviane Audet, Robin-Joël Cool et Alexis Martin pour la trame sonore, et a ponctué le tout de tubes de l’époque, dont Te v’là de Robert Charlebois et Comme j’ai toujours envie d’aimer de Marc Hamilton.

Face aux adultes, tous criants de vérité, les jeunes acteurs, dirigés par l’inégalable Félixe Ross, ne manquent pas de conviction. Portant le film sur ses épaules, Milya Corbeil-Gauvreau fait montre d’une belle justesse aux côtés du solide Henri Picard, de l’hilarant Alexis Guay et de l’adorable Anthony Bouchard.

Les rois mongols

★★★

Comédie dramatique de Luc Picard. Avec Milya Corbeil- Gauvreau, Henri Picard, Alexis Guay, Anthony Bouchard et Clare Coulter. Canada (Québec), 2017, 101 minutes.