Des cinéastes assoiffés au FFM

Foules pas foules, programmation de prestige ou pas, le Festival des films du monde (FFM) titube, mais roule encore. Et doit sa survie à son étiquette internationale et compétitive. Son ultime béquille : la classe A que lui accole la Fédération internationale des associations des producteurs de films.
« C’est un festival de catégorie A. Il y a quatre grands [Cannes, Venise, Berlin, Locarno] et derrière, une dizaine, dont Montréal », note Clément Magar, directeur général de Go Global, chargé de la promotion de The Hidden Sword, un des trois longs métrages chinois en compétition au 41e FFM.
« La catégorie A, c’est ce qui compte en Chine », assure celui pour qui une première mondiale au FFM demeure un excellent repère dans un CV.
« Le monde a les yeux tournés vers ces quinze festivals. Montréal est parmi les meilleurs, c’est un intéressant tremplin », croit René Fortunato, documentariste de la République dominicaine, arrivé à Montréal avec son premier long métrage de fiction.
« Je crois que les gens [du FFM] veulent donner des chances aux créateurs de montrer leurs oeuvres », juge la productrice Isabelle Longnus, à Montréal depuis un an et déjà derrière la future carrière de cinéaste d’Éric Jean, homme de théâtre.
Conférence indépendante
Clément Magar est à Montréal en compagnie d’une quinzaine de personnes associées à The Hidden Sword, dont le réalisateur, l’écrivain et scénariste Xu Haofeng. Grosse équipe, grosse boîte de production (Polyfilm), gros moyens.
C’est tout le contraire du FFM. Classe A peut-être, mais la 41e édition semble avoir laissé à eux-mêmes les cinéastes invités (à leurs propres frais). Aucune conférence de presse n’est organisée en complément des projections.
Aucune, à moins qu’elle se fasse de manière indépendante, telle celle organisée par Clément Magar. Le protocole est l’habituel à un festival : un hôtel prestigieux, le réalisateur, sa productrice et les vedettes derrière les micros et un auditoire réceptif et ravi.
Le hic ? Aucune affiche du FFM autour de la table, aucun représentant du festival sur place : le 4e film de Xu Haofeng se trouve déjà sur une autre planète. Les interventions sont par ailleurs bilingues : en mandarin et en français.
La salle a été louée par Go Global depuis des semaines. Si Clément Magar constate, déçu, le non-intérêt de la presse locale, il ne s’en fait pas trop. La sortie commerciale de The Hidden Sword est attendue avec impatience en Chine en décembre, et la conférence est déjà une première salve de marketing.
« Le premier film de Xu Haofeng [The Sword Identity, 2011] a été présenté en compétition à la Mostra de Venise. Son troisième [The Final Master, 2015] a connu un grand succès critique. Il est aussi un écrivain et un scénariste réputé », résume ce Français polyglotte — il manie le mandarin sans accent, selon une femme de l’auditoire.
Clément Magar ne se plaint pas de l’accueil du FFM. La classe de maître sur les arts martiaux dans le cinéma, tenue dimanche à L’Astral, a été acceptée avec joie par Serge Losique, directeur du FFM. Et elle a fait salle comble — 200 personnes, selon le service de presse du festival.
Une première pour la République dominicaine
Tous les réalisateurs venus à Montréal n’ont pas la chance de Xu Haofeng. Sans moyens, sinon pour se payer le billet d’avion et l’hébergement, ils se présentent seuls devant le public.
Les deux réalisateurs de When They Awake, documentaire sur la musique autochtone, ont ouvert le festival au Cinéma du Parc sans le moindre protocole. Trois jours plus tard, au même endroit, la situation s’est répétée pour la projection d’un autre film, selon la préposée à la billetterie.
Au service de presse du FFM, on affirme que les cinéastes de la compétition sont accompagnés. René Fortunato, dont le film Patricia participe à la compétition « premières oeuvres » ne sait pas comment se dérouleront ses projections, vendredi et samedi.
« On ne m’a rien dit », confie celui qui reçoit au moins un soutien logistique du consulat de la République dominicaine.
« Nous sommes contents que le festival présente pour la première fois un film dominicain », dit l’attaché culturel à Montréal, Juan Espinal, qui a pris en charge les relations de presse du film Patricia.
« On attend encore l’invitation à la soirée de fête », dit le diplomate, en riant.
« C’est un peu calme », acquiesce Isabelle Longnus, productrice du court métrage Testament d’Éric Jean.
« Un tremplin, le FFM ? Je ne sais pas, mais au moins il sert à dire qu’Éric Jean a fait un film », commente celle qui salue l’idée d’une compétition de courts métrages.
Le FFM attire peut-être moins les foules, mais les cinéastes en soif de reconnaissance croient encore en lui.