Un 41e Festival des films du monde auréolé de mystère

Tenant la main de la présidente de son 41e Festival des films du monde, Fanny Cottençon, Serge Losique a lancé cette édition dépouillée devant une salle clairsemée.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Tenant la main de la présidente de son 41e Festival des films du monde, Fanny Cottençon, Serge Losique a lancé cette édition dépouillée devant une salle clairsemée.

Après des semaines de doutes et de cachotteries, le 41e Festival des films du monde (FFM) s’est enfin ouvert jeudi soir. Dans le chic d’un cinéma Impérial plus clairsemé que bondé : l’équipe du film d’ouverture, Anna Karenina. Vronsky’s Story, du Russe Karen Shakhnazarov, brillait par son absence, tout comme Pierre Karl Péladeau, le sauveur de l’Impérial.

Sur un tapis vert, plutôt que rouge — pour la symbolique écolo, aux dires de Serge Losique —, l’inusable directeur est arrivé en compagnie de la présidente du jury, l’actrice et productrice française Fanny Cottençon. À pied. Pas de limousine, même pour elle, a précisé sieur Losique, car il faut arrêter de polluer.

Devant une salle à moitié occupée par un public heureux de mettre la main sur des billets de gala, le fondateur du FFM a annoncé la composition finale du jury. Aux deux membres déjà connus, Fanny Cottençon et le cinéaste Roger Cantin, s’ajoutent un critique chinois, un producteur et distributeur torontois et un… individu exigeant l’anonymat. L’édition s’amorce auréolée de mystère.

À hauteur de festivalier

 

Une programmation dévoilée au compte-gouttes, la disparition confirmée de l’autrefois utile guide imprimé… Il ne faut pas se plaindre : la vente en ligne a éliminé les mémorables temps d’attente devant les guichets. Le FFM a désormais le virtuel dans le sang.

Jeudi, une heure après l’ouverture de la billetterie de l’Impérial, quartier général, les festivaliers se comptaient sur les doigts d’une main. Un à la fois, pas de file en vue.

Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Dans le chic cinéma Impérial, l’audience était plutôt clairsemée pour la soirée d’ouverture du 41e FFM, jeudi soir.

Fidèle de longue date, Paul Coates n’a acheté, cette fois, qu’un ticket. Il a opté pour un film polonais, question de pratiquer sa langue natale. Mais aussi, laisse-t-il comprendre, en souvenir du FFM du XXe siècle, celui qui attirait les Wajda et Zulawski. « C’est bien triste, convient celui qui se procurait jadis des livrets de billets. Je ne m’attends pas à grand-chose. »

Mary Campbell, elle aussi une assidue du FFM, tentait de photographier les quelques résumés en anglais affichés sur la vitrine de l’Impérial. Elle regrette l’époque du programme gratuit, véritable bible du festivalier. « On ne m’a rien donné et, sur le Web, les textes sont seulement en français », se désole la dame, les mains chiffonnant une liste de titres. Elle a quand même acheté un billet, un seul, contrairement à ses habitudes. Son choix ? Un film hongkongais, choisi au hasard.

Du côté des accrédités

 

À une autre époque, les personnes accréditées au FFM étaient reçues à bras ouverts, dans le confort d’une salle aménagée dans un hôtel. En cette 41e édition, journalistes et artisans sont priés de monter dans les bureaux du festival, plongés dans un brouhaha bon enfant. Pas d’engueulades, juste un air brumeux, où plusieurs cherchent l’introuvable.

On y a croisé un cinéaste éberlué de ne pas savoir où et quand il pourrait enfin prévisionner son film. L’oeuvre, en déduit-on, sort tout juste du four. « Ça semble bien compliqué », lâche-t-il, résigné. Au même moment, deux autres hommes, venus ensemble, sautent d’un bureau à l’autre : on cherche leurs formulaires d’accréditation, perdus dans les limbes des communications électroniques.

Pour le journaliste et ses exigences, aucun service de presse pour l’accommoder. La pauvre dame derrière la porte « Programmation » tente tant bien que mal d’aider. Pour les entrevues, il faut passer par la personne du marché virtuel — qui n’est pas sur place. Pour des infos sur les films, d’accord, tant qu’on ne demande pas son appréciation des oeuvres : elle ne les a pas vues.

Heureux cinéaste

 

Hermon Farahi ne semblait pas du tout dérouté par l’accueil. Son accréditation entre les mains, le producteur et réalisateur de Las Vegas était fort heureux. Avec raison : son premier long métrage, When They Awake, un documentaire sur l’actuelle musique autochtone signé à quatre mains (avec P. J. Marcellino), commence sa vie au FFM. Premier film, première mondiale (vendredi matin) et fête en soirée, ça va de soi.

« C’est bon d’être ici, commente-t-il, assis à un café. Montréal a une aura, c’est une ville si multiculturelle. C’est une ville du monde. Notre film, on voulait le montrer dans une scène de ce type. Le film n’est pas que pour les Canadiens ou les Nord-Américains. Tout le monde doit le voir. »

Le documentariste n’est pas au courant de la fragilité de l’organisation qui l’invite. Oui, il a payé son billet d’avion et dort chez des amis, mais il ne s’en fait pas. Tout au plus a-t-il noté, à force d’envoyer courriel après courriel, que le festival manque de ressources humaines.

« Ma perception des festivals canadiens, c’est que le TIFF [de Toronto] est plus commercial et celui de Montréal en est davantage un d’art et de culture », dit-il, répétant son bonheur d’être ici.

Les festivaliers avec du flair iront vers le cinéma du Parc, deuxième pied-à-terre du 41e FFM. La programmation est enfin apparue en ligne à minuit, quelque part entre mercredi et jeudi. C’est là qu’ont abouti les deux premières représentations de When They Awake.

À surveiller au FFM

Anna Karenina. Vronsky’s Story, de Karen Shakhnazarov, Russie, 26 août à 11 h. Le film d’ouverture, présenté une seule autre fois, offre une énième adaptation du célèbre roman de Tolstoï. Oeuvre à grand déploiement, sur fond de guerre russo-japonaise et à coups de flash-back, cette version se distingue des plus récentes en misant sur le point de vue de l’amant.

When They Awake, de Hermon Farahi, Canada–États-Unis, 25 août à 10 h, 26 août à 18 h. À une époque où le continent nord-américain tente sa réconciliation avec les peuples autochtones, ce documentaire propose sa propre version de la résistance, à travers la musique.

The Hidden Sword, de Xu Haofeng ; Chine, 27 août à 9 h et à 19 h. Parmi la vaste sélection de films chinois, notons cette fiction campée dans le contexte de la guerre contre le Japon, en 1933. Le réalisateur est surtout connu pour son travail d’écriture avec Wong Kar-wai.


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