«Dunkerque» — La traversée fantastique

Il y a près de 20 ans, dans Il faut sauver le soldat Ryan, Steven Spielberg offrait un moment de cinéma mémorable : le débarquement de Normandie vécu de l’intérieur. N’en déplaise aux admirateurs du brillant cinéaste, Christopher Nolan (Memento, Inception, la trilogie Batman) le coiffe solidement au poteau avec Dunkerque. En fait, Dunkerque, ce n’est ni plus ni moins qu’Il faut sauver le soldat Ryan à la puissance mille.
Aller voir «Dunkerque» ou pas? La réponse de Manon Dumais
Une semaine sur la plage, un jour en mer, une heure dans les airs. Voilà les trois espaces-temps qu’a choisis Christopher Nolan pour illustrer le sauvetage des quelque 300 000 alliés anglais, belges et français cernés par les Allemands à Dunkerque en mai 1940. Page d’histoire peu racontée au cinéma, que les historiens appellent le « miracle de Dunkerque », cette première incursion de Nolan dans le drame historique et le drame de guerre est en soi un événement cinématographique historique.
Qui aurait cru que celui qui aime entraîner le public dans les méandres de l’esprit, tordre le temps et jouer avec les niveaux de récit pouvait se coller avec autant de maestria à l’Histoire ?
La guerre comme si vous y étiez
Rarement un réalisateur aura-t-il réussi l’exploit de faire ressentir l’extrême tension, le désarroi, le cauchemar éveillé qu’ont vécu les alliés réfugiés sur les plages, les navigateurs du dimanche à bord de leur véhicule de plaisance venus les secourir et les pilotes de Spitfire survolant le ciel afin d’éloigner l’ennemi. Au milieu des bombes qui tombent, au coeur de l’horreur, Nolan nous amène à la rencontre de nombreux personnages, parmi lesquels un brave homme (Mark Rylance) et ses deux fils (Tom Glynn-Carney et Barry Keoghan), dont le yacht a été réquisitionné par l’armée britannique, un aviateur intrépide (Tom Hardy) et un jeune soldat (Fionn Whitehead), ce dernier nous servant de principal guide dans cette course contre la montre.

Vertigineux film choral, Dunkerque est soutenu par une structure narrative d’une si grande fluidité que chaque intrigue qu’il déploie s’imbrique parfaitement au récit et que chaque personnage, défendu avec un égal talent par une distribution impeccable, s’avère crédible et attachant. Tant par l’intensité d’un regard, d’un silence éloquent ou d’une réplique lourde de sens, Nolan donne à chacun une humanité, trace en quelques lignes son histoire et fait comprendre les répercussions de la guerre chez chacun. Ne montrant jamais le visage de l’ennemi, que l’on devine parfois au loin, parfois trop proche, Nolan place sur un même pied d’égalité les personnages et les spectateurs qui vivent dans la crainte de le voir surgir à tout moment.
Du grand art
Au-delà des prodigieux mouvements de caméra, des séquences aériennes époustouflantes, des huis clos anxiogènes, Dunkerque doit beaucoup à l’extraordinaire trame sonore de Hans Zimmer, pénétrante, tour à tour organique et industrielle, toujours utilisée à bon escient. Par moments, ses vrombissements sont tels qu’on les ressent dans toutes les fibres de son corps, faisant de Dunkerque une expérience sensorielle de haut niveau.
Tourné en 70 mm Imax et Super Panavision 65 mm, Dunkerque offre une bouleversante expérience immersive hors du commun. Par souci d’authenticité, Nolan a tenu à utiliser de vrais avions, de vraies embarcations et à tourner en partie dans les lieux où s’est déroulée l’Histoire. Pas de place ici pour les images de synthèse, que de vraies cascades aériennes, maritimes et terriennes d’une saisissante, parfois effroyable efficacité. En résulte un grand film de guerre dans la lignée d’Apocalypse Now de Coppola et de Thin Red Line de Malick.
V.O.A. : Angrignon, Cavendish, Quartier latin, Kirkland, Banque Scotia, Lacordaire, Marché central, Des Sources, Spheretech, Côte-des-Neiges.
V.F. : StarCité, Angrignon, Quartier latin, Lacordaire, Marché central.
V.O., s.-t.f. : Cinéma du Parc.