Maïmouna N’Diaye, la polyvalence incarnée

Ce vendredi, le Festival international de cinéma Vues d’Afrique donne le coup d’envoi à sa 33e édition, au cours de laquelle seront présentés, jusqu’au 23 avril, plus d’une centaine de films en provenance de 37 pays. Célébration par excellence des cinémas africains et créoles, l’événement accueillera pour la première fois la polyvalente artiste Maïmouna N’Diaye, à qui l’on remettra le prix hommage du Conseil international des radios et télévisions d’expression française lors de la soirée d’ouverture à la Cinémathèque québécoise.
Jointe à Ouagadougou, à quelques heures de son départ pour Montréal, Mme N’Diaye éclate de rire : « Je l’apprends ! Je ne sais pas du tout ce que c’est, que ce prix ! Je suis très honorée d’être invitée à Vues d’Afrique, car j’en rêvais depuis longtemps, mais chaque fois qu’on m’invitait, je ne pouvais pas y aller. Je trouve que ce prix est un honneur énorme pour une petite personne. »
Lauréate du prix FEPASCO 2015 de la meilleure interprétation féminine pour L’oeil du cyclone du Burkinabé Sékou Traoré, Maïmouna N’Diaye possède plusieurs cordes à son arc. Ainsi, comme on le découvre dans le portrait d’Issaka Campaoré, qui sera projeté samedi après-midi avec Pas sans toi d’Hilaire Thiombiano et Ça tourne à Ouaga d’Irène Tassembedo, elle est auteure, réalisatrice, productrice et créatrice de bijoux.
« Il y a plein de choses que je ne sais pas faire. Je brûle encore des plats et je casse parfois des verres, rigole-t-elle. Ce désir de toucher à tout me vient de ma mère, qui a toujours été très active, qui a toujours fait beaucoup de choses. Je viens d’un environnement où les femmes s’occupent de tout, du ménage, de la cuisine, des enfants, etc. Autant au cinéma qu’au théâtre, j’ai envie de donner la parole aux plus démunis, de faire réfléchir les spectateurs, de faire sourire les enfants, de faire rire les gens. »
Vedette de la populaire série télé ivoiro-burkinabée Super flics, l’actrice se retrouvesouvent à incarner des justicières, tel son rôle d’avocate dans L’oeil du cyclone qu’elle avait d’abord créé sur les planches. « Ce n’est pas ma soif de justice, mais des coïncidences qui m’ont emmenée à jouer ces rôles. Ce n’est pas moi qui ai demandé ces rôles. Cela dit, je suis assez contente de mon rôle dans L’oeil du cyclone. »
Née d’un père sénégalais et d’une mère nigériane, Maïmouna N’Diaye a passé son enfance en Guinée, puis a vécu en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. C’est lors de ses études en médecine en France qu’elle a découvert le théâtre. Après avoir obtenu son diplôme d’études théâtrales supérieures, elle a regagné l’Afrique. « Je me considère comme Africaine et c’est une chance que j’ai de venir de tous ces pays, d’appartenir à toutes ces cultures, de les mettre à profit. Je suis chez moi là où je me sens bien. Si j’ai quitté la France, c’est qu’il n’y a pas tant de rôles pour les acteurs africains. Je crois que c’est plus facile de mener ma carrière en vivant au Burkina Faso et en effectuant des allers-retours entre l’Afrique et l’Europe plutôt que de vivre en France. »
Et ce, malgré les difficultés de percer dans un milieu dominé par les hommes. « Il y a de plus en plus de femmes dans le milieu de la culture, notamment dans la musique où l’on retrouve beaucoup de chanteuses. C’est toutefois plus difficile au cinéma, c’est un combat qui n’est pas fini. Le cinéma a longtemps été dominé par les hommes parce que certains n’acceptaient pas que leurs femmes travaillent dans ce milieu. Nous ne sommes pas des extraterrestres et nous sommes de plus en plus nombreuses à faire notre place au cinéma, même si ce n’est pas facile d’y gagner sa vie en Afrique. Je ne sais pas si les jeunes femmes me voient comme un modèle, mais je vois dans le regard des jeunes qui m’interpellent dans la rue que je peux en être un, et j’espère que c’est dans le bon sens », conclut Maïmouna N’Diaye.