«Mes nuits feront écho»: rêver mieux

L’héroïne qu’incarne Éliane Préfontaine dans Mes nuits feront écho rappelle celle qu’elle interprète dans La ronde, court métrage de Sophie Goyette sélectionné en 2011 à Locarno. Dans l’espoir de changer de vie, les deux jeunes femmes laissent tout derrière elles. Tandis qu’Ariane fait ses adieux à sa famille avant de fuir dans la nuit sur son scooter, Éliane, musicienne lasse de jouer les princesses dans des fêtes d’enfants, s’embarque pour le Mexique. Elle y rencontrera Romes (Gerardo Trejoluna), homme en deuil de sa mère, qui effectuera un voyage en Asie avec son père Pablo (Felipe Casanova), qui rêve d’amour.
Ayant utilisé une composition d’Éliane Préfontaine dans Le futur proche, court métrage sélectionné en 2012 à Sundance où un homme en exil apprenait une nouvelle bouleversante, Sophie Goyette s’est d’instinct tournée vers la première pour lui confier la trame sonore en plus du rôle principal de son premier long métrage.
« Je n’ai jamais pensé que ce film était un prolongement du court métrage, mais plutôt celui de notre amitié qui a mûri au fil de nos nombreux échanges sur la musique », confie Éliane Préfontaine. « Sophie dirige d’une manière vraiment spécifique ; j’ai l’impression que son instinct communique avec le mien et non sa tête avec la mienne. C’est comme si nous communiquions d’âme à âme, ce qui est très spécial et arrive peu souvent. »
« Avec Éliane, on se comprend à différents niveaux, confirme Sophie Goyette. Je ne m’auto-analyse pas, j’écris et je fais les choses instinctivement. J’ai écrit ce scénario en deux mois et demi ; je n’étais jamais allée au Mexique ni en Asie et, pourtant, j’avais vraiment l’impression que ça devait se passer là-bas. Je savais qu’Éliane avait en elle cette envie d’aller à la rencontre de l’Autre, c’était donc naturel pour moi de penser à elle pour ce rôle-là. »
Voyages, voyages
Mes nuits feront écho se développe au gré d’un récit gigogne, celui d’Éliane englobant celui de Romes, lequel englobe celui de Pablo. Dans chaque portrait, les personnages racontent aux autres leurs rêves, ce qui mènera chacun à réfléchir à son destin et à tenter de changer doucement le cours de celui-ci.
« Les rêves, c’est quelque chose que l’on connaît tous et qu’on explore tous qu’on le veuille ou non, consciemment ou inconsciemment. Je me demandais comment j’allais jouer sur cette frontière entre la vie réelle et les rêves afin qu’ils soient des vases communicants qui se font écho. Il y a toujours quelque chose dans nos rêves qui nous fait un peu agir ; les trois personnages décident de faire un pas à côté de leur vie habituelle pour explorer qui ils sont ailleurs », explique la réalisatrice.
À l’instar de ses courts métrages, les lieux tiennent une place importante dans Mes nuits feront écho. Privilégiant de longs plans fixes, Sophie Goyette favorise par endroits les plans larges, comme si les lieux l’emportaient sur les personnages.
« J’aime beaucoup filmer dans de vrais lieux, confie-t-elle. Je trouve que les lieux ont une âme et c’est une plus-value pour le film. Un peu comme avec les acteurs, on les prend comme ils sont et on tente de les emmener ailleurs. Je prends beaucoup l’essence des acteurs, leur intelligence, leur âme, leur talent, et je fais la même chose avec les lieux parce que, dans la vie de tous les jours, les lieux nous habitent plus qu’on pense. »
En marge de la réalité
Si Mes nuits feront écho affiche une facture onirique avec ses moments contemplatifs, Sophie Goyette orchestre des dialogues plus vrais que nature au cours de scènes où chaque mot, chaque hésitation, chaque silence prennent tous leur sens.
« Dans tous les films, les silences sont importants, mais encore plus dans le film de Sophie, avance Éliane Préfontaine. Tout est écrit, à la virgule près, comme dans la scène avec Marie-Ginette Guay après la fête d’enfants, mais dans les respirations, certaines choses peuvent se passer différemment. Ce n’est pas évident, mais c’est un défi pour les acteurs, surtout comme dans le plan de douze minutes sur le bateau avec Éliane et Romes. Comme un funambule, il faut rester sur la bonne ligne jusqu’à la fin. »
« Je voulais qu’on soit avec les personnages, qu’on s’arrête le temps d’un film, ce que l’on fait de moins en moins souvent dans nos vies. Je sais que je suis à contre-courant, mais en 2017, je voulais offrir un film chaleureux, réconfortant et qui donne de l’espoir. Avant chaque projection, je dis toujours : “soyez patients avec le film, il vous le rendra au final” », conclut Sophie Goyette à quelques jours d’aller présenter son film en compétition au Festival du film de Rotterdam.
À l’affiche le 13 janvier