La Marceau

Sophie Marceau et Suzanne Clément dans une scène de «La taularde»
Photo: Axia Films Sophie Marceau et Suzanne Clément dans une scène de «La taularde»

Peu importe son âge, son sexe ou sa classe sociale, se retrouver derrière les barreaux a toutes les allures d’une tragédie : les règles imposées entre ces murs n’ont souvent rien à voir avec celles du monde extérieur. Cet univers clos, étouffant, fascine depuis longtemps, et il faut parfois des trésors d’imagination pour renouveler ce qui ressemble à un genre en soi, quitte à y injecter une bonne dose de magie (The Shawshank Redemption), ou de génie (Un prophète).

Dans La taularde, la cinéaste Audrey Estrougo (Une histoire banale, Toi, moi, les autres) affiche un parti pris en apparence réaliste, s’installant dans une prison désaffectée de Bretagne surnommée autrefois Jacques-Cartier (placer le nom de l’explorateur sur la marquise d’un pénitencier, quelle ironie), et avec de fabuleuses actrices. Au centre de cet aréopage domine sans partage Sophie Marceau, déterminée à égratigner, un peu, son image de star, au service d’un personnage au passé bon chic bon genre, celui d’une professeure de lettres.

Ce passé, cette vie confortable, on l’imagine, car les grilles se referment d’emblée sur cette femme, Mathilde Leroy, tout comme pour la caméra : les échappées seront inexistantes. C’est ainsi que l’on raconte, par bribes de dialogues ici et là, les raisons de sa présence en ces lieux, elle qui a contribué à l’évasion de son conjoint, ancien braqueur de banques considéré par certains comme un « Robin des bois ». Mathilde préfère se taire plutôt que de trahir celui qu’elle aime, ce qui en fait une détenue sous haute surveillance, car l’homme est toujours en cavale.

Or, c’est surtout son quotidien harassant, survolté, malsain, qui intéresse Audrey Estrougo, alignant les scènes d’affrontements, parfois silencieux, parfois assourdissants, entre ces figures féminines portant chacune un signe distinctif (accent, âge, couleur de peau) pour les départager. Il y a d’ailleurs là bon nombre de similitudes avec cette soi-disant réalité carcérale habilement tissée par tant de films et de séries télévisées (la comparaison avec Unité 9 s’avère inévitable), nous donnant ainsi l’illusion de la connaître.

Pourtant, La taularde, c’est surtout l’histoire d’un emprisonnement cinématographique, celui d’une star qui accapare constamment l’écran, laissant la part congrue à ses partenaires, quand elles ne sont pas reléguées au hors-champ. Camarades d’infortune, Suzanne Clément, Anne Le Ny et Marie-Sohna Condé, pour n’en citer que trois, se font ici bonnes joueuses, toutes unies pour former une haie d’honneur à Marceau, moins proprette qu’à l’habitude, mais beaucoup moins portée à l’abandon qu’au temps de Andrzej Zulawski (L’amour braque) ou Maurice Pialat (Police). À l’époque de ces tournages devenus aussi célèbres que les films qu’ils ont engendrés, la vedette de La boum et de LOL avait vraiment l’air d’une taularde. Et ne l’a sûrement pas oublié.

V.O. : Beaubien.

La taularde

★★ 1/2

France, 2015, 99 minutes. Drame social d’Audrey Estrougo. Avec Sophie Marceau, Anne Le Ny, Marie-Sohna Condé, Suzanne Clément.