Harponnez cet harpagon!

Dany Boon interprète François Gautier, un célibataire endurci près de ses sous.
Photo: AZ Films Dany Boon interprète François Gautier, un célibataire endurci près de ses sous.

Pas besoin d’offrir en cadeau à François Gautier (Dany Boon) des livres tels que La simplicité volontaire ou En as-tu vraiment besoin ?, car il pratique le dépouillement extrême et ne se pose jamais de questions sur ses besoins élémentaires : mieux vaut se priver de tout plutôt que de l’acheter.

Cet harpagon hexagonal, que l’on surnommerait ici Séraphin, a beau être violoniste, il ne connaît rien aux diverses gammes de générosité. Ce qui en fait un personnage à la fois exécrable et savoureux, du moins dans les intentions préliminaires de Fred Cavayé, un habitué du suspense (Pour elle, À bout portant) voulant visiblement goûter aux fruits de la comédie à succès avec Radin !

Le concept apparaît taillé sur mesure pour un acteur populaire de la trempe de Dany Boon, lui qui a plus d’une fois donné dans le film à numéros (Rien à déclarer, Supercondriaque), mais à des années-lumière de la candeur chaleureuse de Bienvenue chez les Ch’tis. Et ce n’est pas avec ce film plutôt chiche en bonnes idées, en répliques savoureuses et en virtuosité technique que l’on va nous faire oublier Molière ou Claude-Henri Grignon.

Les voisins et collègues de ce professeur de musique sans âme et de ce premier violon (vraiment ?) d’un orchestre de province l’ont depuis longtemps cloué au pilori, mais Valérie (Laurence Arné, dans le rôle ingrat de la timorée de service), une violoncelliste fraîchement recrutée, et Laura (Noémie Schmidt, révélée dans L’étudiante et Monsieur Henri), la fille de Gautier sortie de nulle part, fruit d’une liaison torride et d’un préservatif périmé, le voient tout autrement. Car il plane autour de ce célibataire endurci, très perméable aux bonnes aubaines, les histoires les plus stupides et les plus folles, dont celle d’une générosité exceptionnelle pour des orphelins mexicains…

Cette légende provinciale servira de fil conducteur pour mieux révéler la personnalité de cet archétype de la mesquinerie congénitale, mais à la sauce d’aujourd’hui (son rapport avec les forfaits téléphoniques gratuits compte parmi les rares situations vraiment cocasses). Fred Cavayé s’engage alors dans un parcours initiatique qui passe, sans crier gare, du cabotinage au larmoyant mélodrame, nous conduisant, à grand renfort de bons sentiments, sur la pente glissante du don de soi, avec à la clé une résurrection sociale qui relève quasiment du miracle.

Or le vrai miracle aurait été de voir le Francis Veber des beaux jours (Le dîner de cons, La chèvre) mettre à sa main cette petite idée vraiment pas si bête pour la transformer en feu d’artifices humoristique savamment dépouillé des mièvreries familiales et médicales qui ressemblent ici à autant de fausses notes. Fred Cavayé égratigne mollement ce grippe-sou en veston d’un brun douteux : juste pour cela, cet Harpagon mériterait d’être harponné !

Radin !

★★

France, 2016, 89 min. Comédie de Fred Cavayé avec Dany Boon, Laurence Arné, Noémie Schmidt, Patrick Ridremont.