Retour aux sources sur une terre gelée

Primé aux Percéides et au Festival Babel Film en Italie, ce documentaire porte sur la dernière survivante des Inuits du village de Qarmaarjuit, au Nunavut, dont la moitié de la population fut décimée par une épidémie en 1943. Les survivants allaient être relocalisés dans des maisons de Pond Inlet, en abandonnant leurs igloos et leur mode de vie.
Nallua, de Christian Mathieu Fournier, fait un involontaire écho à Embrace of the Serpent, du Colombien Ciro Guerra, en salles aussi, par ce côté dernier des Mohicans et traditions chamboulées par celle des Blancs. Ici l’Amazonie est remplacée par le Grand Nord et la fiction par un précieux documentaire dans un décor éblouissant de montagnes et d’icebergs durant le court et lumineux été arctique.
Pèlerinage de Ruth qui, pour la première fois, retourne dans l’ancien campement où les siens sont morts, ce film est aussi un voyage à travers la mémoire, le territoire et l’amitié qui lie trois femmes mal adaptées à l’oisiveté sédentaire, qui travaillent à garder vivaces des traditions.
Ces liens et ce périple sur un lieu-cimetière permet à la vieille dame si digne l’évocation des disparus, et de retrouver un moment la vie ancienne sous la tente avec ses amies.
On devait à Christian Mathieu Fournier des documentaires sur des sujets éclectiques : Léandre Bergeron : avec conviction sans espoir, Make Money, salut bonsoir ! Maudite Machine ! Cette fois avec délicatesse, le pas léger, il se met à l’écoute de femmes déracinées de leur culture, mais remplies de courage et de solidarité.
Ce film est un aide-mémoire pour tous les publics. Par la beauté exceptionnelle du cadre, qui fait basculer les propos de Ruth du côté de la mythologie en poignant témoignage, il se tient à la tête des eaux entre hier et aujourd’hui, livrant des mots de sagesse, mais aussi d’angoisse qui résonnent profondément en nous, comme une dernière chance de les entendre.