La Cinémathèque québécoise s’offre une cure de jouvence

Directeur général de la Cinémathèque québécoise depuis mai 2015, Marcel Jean fréquentait assidûment la vénérable institution lorsqu’il était étudiant au début des années 1980. Quelque 30 ans plus tard, il constate qu’en dehors des événements spéciaux, comme les Rendez-vous du cinéma québécois ou les projections commentées en collaboration avec le FNC, bien peu de jeunes cinéphiles s’intéressent à sa programmation régulière.
Afin de rajeunir la clientèle de la Cinémathèque et de donner aux plus jeunes spectateurs l’envie de découvrir du cinéma de qualité en salle plutôt que sur une plateforme numérique, Marcel Jean a concocté une programmation jeunesse. « Ce qu’on a voulu développer, c’est vraiment les projections familiales », explique-t-il au bout du fil. « Le premier objectif, c’est de faire de la Cinémathèque un lieu de destination plus populaire au sens le plus noble du terme, de faire en sorte que peu importe l’âge, l’origine sociale et le niveau de cinéphilie, les gens aient le goût de venir à la Cinémathèque. »
Souhaitant inciter les parents à devenir membres de la Cinémathèque, Marcel Jean ne désire toutefois pas nuire à tout autre organisme ou institution proposant des projections scolaires. Ainsi, la programmation jeunesse fera relâche durant le FIFEM, présenté au cinéma Beaubien du 27 février au 6 mars, afin de ne pas morceler le public.
« La première chose qui m’a frappé, c’est qu’il y a déjà des gens qui s’occupent de projections scolaires ; je pense notamment au programme Cinécole de Médiafilm, destiné aux élèves du secondaire. Mon objectif n’est pas d’entrer en concurrence avec d’autres organisations, mais plutôt de travailler en synergie, en association. »
Une programmation accessible
La première série, qui sera présentée du 10 janvier au 29 mai, comporte des films d’animation, en prises de vue réelles, de même que des courts métrages de l’ONF regroupés sous la bannière« Un monde en folie ! ». Surfant sur le grand succès de la version animée de La guerre des tuques de Jean-François Pouliot et François Brisson, la Cinémathèque inaugure le tout avec le classique d’André Melançon.
« On a aussi prévu le très beau film de Patrick Grandperret, L’enfant lion, un conte africain absolument extraordinaire qui peut être un chouette complément à Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot. J’ai voulu aussi qu’on projette Azur et Asmar d’Ocelot, où deux personnes d’origines différentes vont développer une amitié. Avec la question de l’immigration, du rapport à l’islam, je trouve qu’il est particulièrement pertinent. »
En fonction de la demande, Marcel Jean entend ajuster la formule au cours des deux prochaines années. En dehors de la programmation jeunesse, la Cinémathèque pourrait aussi élargir sa mission. Ainsi, depuis le jeudi 7 janvier, un an après les attentats à Charlie Hebdo, elle présente le documentaire de Richard Brouillette Oncle Bernard – L’anti-leçon d’économie, portant sur l’économiste Bernard Maris, tombé sous les balles avec ses collègues de l’hebdo satirique. À l’origine, ce film devait être présenté à Excentris.
« On travaille actuellement un scénario selon lequel à partir du 1er avril on utiliserait les ressources de la Cinémathèque pour programmer du cinéma d’art et d’essai. La Cinémathèque programme 17 séances par semaine ; nos capacités sont de près de 70 séances. On peut donc ajouter sans problème une quarantaine de séances par semaine pour des films récents. Ce qui m’intéresse, c’est la production québécoise et canadienne, soit les films qui souffrent de la disparition d’Excentris, sans perdre de vue nos activités classiques. De cette façon, la Cinémathèque sera plus pertinente que jamais », conclut Marcel Jean.