Le vieil homme et l’enfant

Voici une comédie américaine, premier long métrage de Theodore Melfi, pleine de grincements, allergique à la rectitude politique et aux violons (du moins dans les deux premiers tiers du film). De quoi réjouir le coeur des esprits allergiques aux bluettes pleines de bons sentiments dont regorge Hollywood.
Bill Murray (The Royal Tenenbaums, Lost in Translation), qui choisit ses rôles avec grand soin, a sauté sur celui de Vincent, ce vieux grincheux misanthrope et sans le sou, porté sur la bouteille et le jeu, qui trouve ses joies entre les bras d’une prostituée enceinte (Naomi Watts, drôle et vivante) et vit dans une soue à cochons. Mais voilà qu’au hasard d’un nouveau voisinage, une mère débordée (Melissa McCarthy) engage le grognon comme baby-sitter pour son fils de 12 ans Oliver (Jaeden Lieberher, piquant comme tout). Vincent accepte le contrat, histoire de boucler ses fins de mois.
L’affreux, sale et méchant fait comme il se doit la conquête du p’tit, qui l’accompagne dans les bars de strip-tease, mise avec lui sur les chevaux de course. Le tout parsemé de répliques drôles et acides de la plus belle eau. Car le scénario est le fer de lance de cette comédie-là. Celle-ci ne possède pas la causticité pure du Bad Santa de Terry Zwigoff, mais on s’y réfère un peu. Et les décors sont parfaits aussi, surtout l’antre de la bête. On attend Murray, sinon aux Oscar, du moins aux Golden Globes, dans leur volet comédie.
On rigole vraiment. Et Murray, qui reconnaissait certains traits de son propre caractère dans cet antihéros, n’eut qu’à forcer un peu la note pour crever l’écran avec ses yeux faussement innocents et son sourire désenchanté qui font merveille. Que le petit Jaeden Lieberher lui donne la réplique avec pareil aplomb est tout à la gloire de cet enfant. Sinon, le duo bancal n’aurait pu fonctionner. Cahin-caha, Oliver apprend quelques leçons, sur la vie comme sur la nature finalement bonne du grincheux en question, qui va voir sa femme atteinte d’alzheimer à l’hôpital et l’aime comme au premier jour. Naomi Watts tient sa partie avec une énergie comique de bout en bout.
Bon ! La scène à l’école où Oliver fera l’apologie d’un Vincent désormais quasi canonisé est trop appuyée. La sauce vire en mélasse (pas complètement toutefois), et le scénario, en se collant les doigts aux sucreries, perd de sa force, comme un ouragan fatigué. Il faut rester jusqu’au bout pour s’offrir une scène devenue instantanément culte, d’ailleurs plus proche de l’improvisation que de la partition apprise : celle, finale, où Bill Murray s’allume une cigarette sur sa chaise de parterre avant d’arroser avec un gros tuyau ses fleurs crevées en chantant en choeur avec Bob Dylan Shelter from the Storm qui joue sur son baladeur. Du Murray à son apogée. C’est Dylan qui a dû rigoler. Leurs deux voix unies et désunies sont le clou du film.