De quoi être fiers

Diviser pour mieux régner : voilà une tactique politique éprouvée. Pendant qu’on place les uns et les autres en opposition et qu’on les laisse se chamailler, on fait à sa guise sans être inquiété. Dès le début de la chronique historique Pride : une rencontre improbable, cette idée est évoquée par l’un des personnages pour qualifier les méthodes de la première ministre Margaret Thatcher. « On doit aider les mineurs ! Réveillez-vous ! Ils sont brimés au même titre que nous ! », s’exclame-t-il. Le « nous » désigne en l’occurrence la communauté gaie. D’où le titre.
Véridiques, quoique condensés et romancés comme il se doit, les événements relatés dans Pride se sont déroulés entre 1984 et 1985, au plus fort de la grève des mineurs, dans le nord de l’Angleterre. Outré par le traitement réservé à ces derniers, un groupe de gais et de lesbiennes mit alors sur pied l’association Lesbians and Gays Support the Miners… au désarroi initial des principaux intéressés. « J’aime mieux crever de faim que d’accepter l’aide de pervers ! », de décréter un mineur affolé. Mais comme, justement, la famine guettait réellement, ces braves hommes finirent par revenir à de meilleurs sentiments. Compagnons de solidarité inattendus, ils en furent tous transformés.
L’un des aspects les plus plaisants de cette fort sympathique comédie dramatique est le souci évident de ne pas faire des personnages, nombreux au demeurant, des archétypes ou des clichés ambulants. Du côté des mineurs, ces messieurs ne sont pas systématiquement bornés et ces dames ne sont pas forcément toutes ouvertes d’esprit, comme le voudrait l’idée reçue. Chez les gais et lesbiennes, certains préjugés se manifestent volontiers. On peut très bien être ostracisé tout en pratiquant l’exclusion. Bref, même lorsqu’ils sont esquissés sommairement, les profils psychologiques ne sont jamais simplistes.
Basé sur les témoignages de plusieurs intervenants d’alors, le scénario de Stephen Beresford, un dramaturge dont le succès récent à la scène a permis à ce vieux projet à lui de voir le jour, tisse avec aisance plusieurs fils narratifs distincts, lesquels forment au final une trame solide. Et souvent réjouissante. Ah ! Ces scènes entre Imelda Staunton (Vera Drake) et Bill Nighy (Réellement l’amour)…
Coloré, chaleureux et merveilleusement interprété, Pride est un beau film rassembleur. Car le cinéma peut aussi être un rempart contre la division. Un pour tous, tous pour un, comme dirait l’autre.