Le héros sans repos

Johnny May, un héros du quotidien qui aide son peuple
Photo: Séville Johnny May, un héros du quotidien qui aide son peuple

Le Québécois Marc Fafard avait déjà versé dans le documentaire, la fiction et, par-dessus tout, dans les productions Imax : entre autres Dinosaures : géants de la Patagonie et Dragons : Real Myths and Unreal Creatures. Il a l’habitude de jongler avec les techniques et il les multiplie avec Les ailes de Johnny May, une coproduction France-Québec pour laquelle se sont alliés l’Office national du film, les Productions Thalie et K’ien Productions.

 

Ce documentaire avec prises de vue réelles, documents d’archives et animations 2D et 3D livre récit et réflexions socioécologiques sur plusieurs supports et force voix hors champ, souffrant ainsi de surabondance.

 

Les ailes de Johnny May ne manque pourtant pas de points d’intérêt. À commencer par son sujet principal : l’histoire d’un pilote inuit désormais sexagénaire, Johnny May, qui fut le premier de son peuple à voler au Nunavik. On pense d’abord à la nouvelle de Gabrielle Roy La rivière sans repos, à travers laquelle un Inuit métissé de l’Ungava devient pilote et délaisse sa mère restée dans sa communauté nordique. Également ici, le personnage principal a eu un Blanc pour père, par contre celui-ci, devenu Inuit à part entière, vit dans les igloos avec femme et enfants.

 

Son fils Johnny May est un héros du quotidien qui aide son peuple, recherche les disparus, trimballe les autres, et avec plus de 34 000 heures de vol à travers des décennies, il a vu se transformer la vie de sa société, des traîneaux à chiens aux motoneiges, des igloos aux maisons préfabriquées, de la banquise intacte à la fonte du pergélisol. Deux fins du monde, nous précise-t-on : d’abord après la sédentarisation (gratinée des odieux pensionnats et du massacre des chiens de traîneaux), puis à la suite de la dégradation accélérée de l’environnement.

 

Les images du ciel, de la toundra, intéressent, et on salue la qualité des bruitages et de la trame sonore.

 

Le sujet est double. La vie du pilote, recréée à l’animation, avec des photos et films d’archives - toujours passionnants - et des interviews, mais aussi un portrait louable de la difficile condition contemporaine des Inuits du Nunavik, surtout chez les jeunes, en détresse, sur fond de violence et de dépendances diverses.

 

Le cinéaste court deux lièvres à la fois et, même s’il entend marier la vie de Johnny May au destin en mutation de son peuple, chaque sujet eût mérité d’être creusé séparément. D’autant plus que les entrevues du sympathique pilote se font trop rares. On aurait préféré l’entendre davantage (sur le tiraillement de ses racines, entre autres) et à travers un cadre moins statique. De leur côté, les voix hors champ, fort bavardes, confèrent un caractère trop didactique à un document aux accents souvent de cours magistral.

 

Côté animation, le 3D n’apporte pas grand-chose, quelques effets tout au plus et pas toujours de la meilleure mouture. Les dessins, plutôt simplistes, ne réinventent pas le genre, mais permettent de recréer des sauvetages spectaculaires qui ont parsemé le parcours de Johnny May.

 

Sauf qu’à trop varier les techniques, à trop vouloir charger le discours de plusieurs niveaux de sens, un auteur risque d’égarer son fil, et c’est ce qui survient ici, hélas ! malgré l’intérêt des destins et des enjeux abordés.

 

 

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