La saga d’Obélix chez les Belges ébranle toujours l’Hexagone
Depuis que l’acteur français Gérard Depardieu a déménagé ses pénates en Belgique pour échapper aux mesures fiscales du gouvernement Hollande qui taxe à la hausse les grandes fortunes, la France s’embrase. Et le temps des Fêtes n’a fait que nourrir le débat autour du champagne et des dindes.
L’acteur Philippe Torreton, dans les pages de Libération titrant « Alors Gérard, t’as les boules ? », lui avait reproché d’être un mauvais citoyen. « Le problème, Gérard, c’est que tes sorties de route vont toujours dans le même fossé : celui du “je pense qu’à ma gueule” […]. »
Johnny Hallyday, lui-même exilé en Suisse pour échapper au fisc français, y est allé cette semaine d’un petit photomontage sur Twitter. Celui-ci fait fureur, sans qu’on comprenne très bien de quel côté de la clôture se situe l’ancienne idole des jeunes. À Bruxelles aux côtés du célèbre Manneken-pis, statue d’enfant pissant dans sa fontaine, on y voit l’acteur nu comme un ver se soulager sur un François Hollande trempé. Une allusion à l’épisode de l’avion où Gérard Depardieu avait uriné sur la moquette de la cabine en août dernier. L’image larguée par Hallyday s’accompagne des mots ineffables : « ahah, sacré Gégé ! ».
Pour l’anecdote, précisons que Daniel Senesael, digne bourgmestre de la commune belge d’Estaimpuis, où Depardieu a désormais pignon sur rue, se frotte pour sa part les mains devant la soudaine notoriété de son hameau. Il s’est d’ailleurs déguisé en Astérix préparant un banquet pour l’arrivée d’Obélix en présentant sur vidéo ses voeux du Nouvel An aux habitants. « Des millions de Français peuvent placer Estaimpuis sur une carte ! », s’y écriait-il.
Mais de l’autre côté de la frontière, l’humour était moins souvent au menu et les attaques furent au départ si virulentes contre Depardieu, chez les politiciens aussi, qu’un effet de ressac se fait sentir. Plusieurs artistes volent désormais à son secours. Catherine Deneuve, maintes fois sa partenaire à l’écran, lançait un prudent : « L’homme est sombre, mais l’acteur est immense. » Omar Sy, coqueluche de la France depuis sa performance dans Intouchables, y allait d’un laconique : « Je n’ai pas envie de juger les autres. » Fabrice Luchini épingle carrément Torreton de son côté : « Quand on attaque Depardieu, il faut avoir une filmographie solide… » Le cinéaste Pascal Thomas rappelle : « Gérard Depardieu a fait gagner de l’argent au cinéma français. »
Réflexion collective
Ce détournement de tir se voit résumé par le metteur en scène Stéphane Hillel : « Depardieu n’est pas vraiment défendable, mais à force d’acharnement, il devient une victime. »
Rappelons que le producteur Vincent Maraval, de Wild Bunch, avait signé dans Le Monde du 29 décembre une lettre-charge pour élever le débat, en dénonçant les cachets astronomiques des vedettes françaises pour des films qui ont fait un flop en 2012.
Mercredi, Le Monde revenait sur le sujet sous la plume d’Isabelle Regnier, récoltant l’avis des bonnets du milieu. Du côté d’Arte et de Canal+, on s’avouait choqués par la stigmatisation de certains acteurs surpayés (Dany Boon, au premier chef) dans la diatribe de Vincent Maraval.
D’autres assurent que l’année du cinéma français 2012 fut moins catastrophique qu’il ne le dit. La productrice Marie Masmonteil précise qu’à l’exception de Populaire et d’Astérix, préachetés par France Télévisions, les films furent financés par des fonds privés. « Dans le climat actuel de détestation des nantis, avec la gauche actuelle qui n’est pas du tout favorable au cinéma français, cette tribune pourrait avoir des effets très contre-productifs », craint-elle. Mais tous avouent de bon ou de mauvais gré trouver vraiment un os de ce côté-là. Les émoluments démesurés des stars, mais aussi ceux des producteurs, se doubleraient d’une stagnation des sources de financement en France. « La situation fait craindre une polarisation plus grande du cinéma français entre riches et pauvres », précise la journaliste.
Bref, la saga d’Obélix chez les Belges, démarrée sous une pluie d’injures, débouche sur une salutaire réflexion collective autour du financement du cinéma français. Cette crise avait du bon. « Sacré Gégé ! », comme dirait l’autre…