Ce premier long-métrage de Martin Villeneuve, campé dans un Montréal du futur, est une première au Québec. On avait connu ici quelques films d’anticipation, comme Dans le ventre du dragon d’Yves Simoneau, Truffe de Kim Nguyen, mais jamais un projet mettant à contribution des effets spéciaux aussi sophistiqués. Le Montréal réinventé du milieu du XXIe siècle avec l’aide du bédéiste belge François Schuiten, ici concepteur visuel, et du directeur des effets spéciaux Carlos Monzon, est un morceau de bravoure. Cet univers urbain, futuriste, délicieusement délirant, a su conserver quelques réminiscences du passé, tour de l’Horloge, Cosmodome déplacé, etc., comme touches de crédibilité.
Il faut voir Mars & Avril comme une véritable prouesse technique, avec écran vert, effets spéciaux à la pelle, malgré son budget indigent. Aussi, par-delà certaines maladresses scénaristiques et de mise en scène, le film constitue une entreprise réussie de sortir la science-fiction du rayon guerre des étoiles avec monstres venus d’ailleurs, pour offrir plutôt une histoire d’amour et des éléments philosophiques, créatifs, métaphysiques, moins clichés que l’exploration scientifique du cosmos.
On salue de vraies trouvailles : le personnage fort réussi du vieux musicien (merveilleux Jacques Languirand, fragile et attachant) qui tire, d’instruments inspirés du corps féminin, d’étranges sons et mélodies qui suscitent des transes érotiques (des compositions très inspirantes de Benoît Charest). Au rayon de l’invention pure et brillamment insolite : la tête en hologramme de Robert Lepage, au corps joué par Jean Asselin. Ce personnage de cosmologue concepteur d’instruments de musique crée un savant du futur et une icône de sagesse fascinants.
Au menu : les amours d’Avril, une belle et jeune photographe (Caroline Dhavernas, tout en intuition et en pureté psychique), avec le vieux musicien, mais également avec le luthier des instruments insolites, Paul Ahmarani, au profil d’étrangeté bien adapté à ce rôle entre deux eaux. Une exploration sur Mars entraîne le trio héros amoureux vers l’ailleurs, mais aussi en eux-mêmes.
C’est la partie sur Mars qui semble la moins crédible et visuellement la plus simpliste, d’autant plus qu’elle se rattache aux principales faiblesses du scénario : entrée dans la matrice, téléportations en tous genres, qui catapultent l’action en des zones psychanalytiques porteuses de confusion. La dernière partie du film est aussi la plus alambiquée.
Costumes et accessoires (lampes rétro, disques de vinyle, etc.), hormis les éléments extravagants (costume du barman robot, instruments de musique), sont trop contemporains ou collés à une esthétique d’avant-hier pour convaincre. On me répond que la minceur du budget a condamné la direction artistique à s’approvisionner au rayon des friperies, en une récupération rétro-futuriste. Ça jure pourtant avec les décors numériques qui, inventés sur écran, peuvent s’autoriser toutes les outrances.
Mars & Avril n’est pas un film parfait, mais il ouvre des voies nouvelles au cinéma québécois, en plus de regorger d’imagination sur de spectaculaires décors numériques à travers des idées parfois inachevées, mais toujours pétries d’audace.
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