Mars et Avril, de la pub au film
C’est un parcours à contre-courant que s’est offert Martin Villeneuve en produisant et réalisant son film Mars et Avril d’après ses propres romans-photos, mais aussi en assurant son marketing longtemps en amont à travers une page Facebook.
Rappelons que ce film d’anticipation campé dans un Montréal réinventé mêle l’amour à la conquête de l’espace. Un musicien joue d’instruments aux formes féminines (Jacques Languirand), un cosmologue (Robert Lepage) l’aidera à trouver sa muse, entre autres péripéties. Le film, d’abord lancé au Festival de Karlovy Vary, le sera ici le 11 octobre en ouverture de la section Focus au Festival du nouveau cinéma, en gagnant dès le lendemain nos grands écrans.
Le cofondateur et le chef de création de l’agence Sid Lee, Philippe Meunier et Martin Villeneuve (qui travailla longtemps à l’agence, dont il trouva le nom), voulaient surtout parler d’une philosophie derrière la conception du film, comme de sa mise en orbite.
« Alors que les majors américains disposent de beaucoup d’argent pour attirer l’attention sur un film, nous avons passé deux ou trois ans sur cette campagne de mise en marché », explique le cinéaste. Le film a pris sept années à venir au monde (550 plans différents, tournés pour la plupart avec des décors numériques). « J’étais sans doute naïf, mais je n’ai pas eu peur d’impliquer Robert Lepage, présent dès le 2e photo- roman. Il a participé à la production du film aussi en plus d’être à l’écran. Il s’agit de trouver une façon d’intéresser les gens pour qu’ils se mouillent. Ainsi, le bédéiste belge François Schuiten [créateur des Cités obscures] a voulu signer la conception visuelle de Mars et Avril parce que je lui ai d’abord envoyé les romans-photos qu’il a aimés. » Il y eut du troc aussi : Guy Laliberté du Cirque du Soleil, en acceptant d’acheter les instruments de musique futuristes, permettait ainsi leur conception par Dominique Engel.
Transformer les contraintes en occasions
Philippe Meunier explique que l’agence de publicité a voulu ouvrir ses horizons créatifs en se lançant dans Mars et Avril. « Martin propose une nouvelle façon de raconter des histoires. C’est la première vraie production d’anticipation québécoise. »
Si on n’a pas l’argent (le budget était minime), prenons le temps, s’est dit Martin Villeneuve. Chez Sid Lee, on lui a conseillé de créer une page Facebook en amont, un an et demi avant la sortie du film, en proposant un journal de bord. Trois cents trente adeptes le suivaient après sa mise en ligne. Ils étaient 20 000 lors de la première mondiale à Karlovy Vary. Le site Web fut lancé le 28 août dernier à l’intérieur même de la page Facebook.
« Il s’agissait d’être généreux, commente le cinéaste, de raconter au fur et à mesure ce qui se passait. Les gens ramassaient un peu de l’histoire par fragments. Peut-être parce que c’est mon premier long métrage et que je ne suis pas connu, j’ai donné beaucoup d’informations, plutôt que de les conserver par crainte de me faire voler mes idées. D’ailleurs, si on m’avait volé mes idées, j’aurais pu m’en servir pour promouvoir le film. Il s’agit de revoir les techniques de marketing. On doit transformer les contraintes en opportunités. »
Comme il faut revoir les manières de tourner. « Ainsi, le personnage de Robert Lepage est en hologramme, car il ne pouvait venir sur le plateau et il a été filmé avant les autres. Cette idée s’est avérée excellente en fin de compte. »
Il ne s’agissait pas de réinventer la roue, d’autres le font aussi avec les nouvelles technologies, mais d’arrêter selon eux de coller la mise en marché à la fin du processus, en travaillant très tôt sur tous les éléments à la fois. La pub leur a enseigné ça. Mais Martin Villeneuve assure qu’elle n’a rien changé à sa démarche créative.