Miron, entre passé et présent

Cela fait plusieurs mois, voire quelques années, qu’Antonio Pierre de Almeida rôde avec sa caméra autour de l’aventure musicale des Douze hommes rapaillés, qui a carrément ramené le poète québécois Gaston Miron à l’avant-plan de notre patrimoine culturel. À travers son documentaire Rapailler l’homme, le réalisateur montréalais tente de montrer de quel bois se chauffait Miron et en quoi son oeuvre a encore des résonances en 2012.
C’est donc ici par l’entremise de la musique que l’on plonge dans les mots de Miron. Rapailler l’homme nous installe d’abord en studio, avec le chef d’orchestre des deux disques à succès, Louis-Jean Cormier, à qui Almeida a eu la bonne idée de confier un rôle central. Le chanteur de Karkwa pose les questions, dirige les discussions, devient les oreilles du réalisateur. Autour de lui, une bonne moitié des douze hommes rapaillés livrent leurs souvenirs, tentent d’expliquer ce qu’ils ressentent, encensent les textes qu’ils interprètent.
Peut-être pour les rapprocher du public, pour les désacraliser, les chanteurs et les autres intervenants se présentent par leur unique prénom. À travers de fréquentes images d’archives de Miron, il y a donc Yann, Michel, Daniel, Jim, Pierre et compagnie qui nous accompagnent. Ça fonctionne pour les chanteurs, mais on ne peut s’empêcher de se questionner sur l’identité — et donc la crédibilité — de quelques-uns d’entre eux.
Rapailler l’homme dérive à sa moitié, alors que l’aspect biographique prend le dessus (la création de l’Hexagone, ses difficultés familiales) et est moins en phase avec ce que peuvent apporter Jim, Michel, Martin ou Yann. Mais les dernières mailles du film sont fortes, particulièrement cette table ronde de musiciens qui parlent de la pérennité des oeuvres de Miron, et peut-être même de leurs propres textes par la même occasion.
Ceux qui cherchent ici un making of des Douzes hommes rapaillés resteront sur leur faim. Almeida montre surtout le passé et le présent du poète, tournant ensuite son regard vers l’avant. À nous, peut-être, de continuer à rapailler Miron.