Famille ma douleur

Photo: Filmoption

Un mochav, non loin de la Méditerranée. Une communauté tissée serré où tout le monde se connaît. De l’extérieur, la maison des Roshko paraît semblable à toutes les autres. Mais comme c’est souvent le cas avec une façade ordinaire, la vie qui a cours derrière est tout sauf banale. D’abord, il y a Gidi, le père pilote qui n’a pas volé depuis six mois. Il y a ensuite Miri, la mère qui tient une garderie et qui poursuit une liaison avec le père de l’une de ses jeunes charges. Il y a surtout Yoni qui, à l’approche de sa bar-mitsvah, désespère de grandir. Enfin, il y a Tomer, l’aîné autiste de Yoni qui, après quinze années passées dans un établissement, est contraint de regagner un giron familial déjà passablement dysfonctionnel.

Jolie surprise que Mabul. Quel beau portrait, plein de chaleur et d’humanité ! Deuxième long métrage du cinéaste israélien Guy Nattiv tiré de son court métrage du même nom, Mabul épouse surtout le point de vue de Yoni (formidable Yoav Rotman), mais recourt quand même à ceux des deux parents chicaniers (excellents Ronit Elkabetz et Tzahi Grad, vus respectivement dans La visite de la fanfare et Tu n’aimeras point). Avec économie, le scénario dresse d’emblée un état des lieux sous tension. Une tension que le retour impromptu de Tomer (Michael Moshonov, découvert dans Liban) rendra insoutenable et qui, ultimement, permettra aux membres de la famille d’éclater chacun son tour pour mieux atteindre une forme d’apaisement.


Nattiv et sa coscénariste annoncent subtilement cette quête en montrant Yoni suivre des leçons clandestines de surf auprès de la fille de son rabbin. En le voyant s’exercer à maintenir son équilibre sur la planche, à sec, sur un piton rocheux, on n’a pas besoin que le dialogue nous explique à quoi aspire ce gamin. Ici, les échanges ne servent pas la narration, mais les personnages, des héros faillibles et attachants. Le procédé, que l’on taira, grâce auquel Yoni réussit à percer une brèche dans le mutisme de son frère, constitue un bon exemple de ce parti pris du cinéaste de montrer plutôt que de (faire) dire. Le mode de communication fraternel en question, d’ailleurs, met la table pour une scène de bar-mitsvah éminemment émouvante.


Ainsi, tout du long, c’est réellement le cadre, très expressif, qui raconte. On mise sur l’intelligence du spectateur, sur sa sensibilité. En cela, Guy Nattiv a trouvé dans le directeur photo Philippe Lavalette (Le ring) un collaborateur hors pair. Quelles images, quelle lumière ! Il en va ainsi pour le montage fin. Délicate mais empreinte d’une force tranquille, comme Yoni, la musique de Patrick Watson contribue elle aussi à la réussite de ce film touchant mais jamais mièvre.


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