Tout casser par manque d'amour

Claude Legault et Robert Naylor dans une scène de 10 1/2
Photo: Source Alliance Claude Legault et Robert Naylor dans une scène de 10 1/2

Au début, une scène du garçon hypersexué avant l'âge visionnant un film porno et sa demande de fellation à un enfant plus jeune mettent la table sans chichis. Voici le profil du jeune révolté Tommy brossé, avant son atterrissage à l'ombre, expédié de sa famille d'accueil au centre de rééducation. L'action explosive se jouera surtout dans ce huis clos.

10 1/2, deuxième long métrage de Podz après le très dense et violent Les 7 jours du talion, ne fait pas non plus dans la dentelle. Plongeant dans l'enfance abîmée, le film possède l'immense mérite de ne pas juger ses personnages; il expose une situation en partie inextricable, où les responsabilités sont partagées, mais incombent surtout à une société qui se désintéresse des paumés et révoltés qu'elle engendre.

Tout repose sur les épaules du jeune Robert Naylor, étonnant de justesse et de puissance en garçon de dix ans et demi incontrôlable de rage qui casse tout par manque d'amour. Claude Legault, dans un rôle aux contours plus flous, hérite d'une partition difficile à jouer: celle de l'éducateur qui doit superviser le cas problème du centre de rééducation, et oscille entre exaspération et compassion, sans être en position de s'abandonner à ses émotions, hormis dans une scène de colère. Cette interprétation tranche avec celles, plus découpées et extrêmes, qu'il interprète d'habitude. Le jeu d'acteur n'est pas en cause pour autant et Legault, abonné aux profils d'action, manifeste une maturité et une retenue qui impressionnent.

Podz a éliminé habilement toute musique, et ce sont les hurlements du jeune garçon qui défoncent les décibels, trame sonore issue du drame lui-même. Le fin et fragile scénario de Claude Lalonde, lui-même ancien éducateur, se concentre surtout sur le lien ténu entre l'enfant sauvage et son éducateur, et la caméra se fait discrète, à l'écoute.

On aurait préféré voir davantage de scènes avec les parents de Tommy, surtout le père (Martin Dubreuil, excellent), qui montre en miroir la misère morale d'où le garçon est issu. Une conversation unique au téléphone entre la mère dans un asile psychiatrique et l'enfant constitue également un des sommets d'intensité de 10 1/2.

Les autres garçons du centre de rééducation, contrairement à l'équipe d'éducateurs, sont très peu présents à l'écran, ce qui nuit au portrait d'ensemble. Mais cette relation entre un homme bien intentionné et le jeune révolté, traitée frontalement, gagne aussi en puissance à se voir concentrée, comme un atome en explosion, qui déchire le spectateur au passage.

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