Cinéma d'animation - Fragments d'hommage à Lipsett

Le brillant court métrage de Theodore Ushev, enfanté à l'ONF, Les Journaux de Lipsett, moissonne les lauriers sur son passage, du festival d'Annecy à celui d'Hiroshima. Dimanche dernier, l'Institut canadien du film au Festival international du film d'animation d'Ottawa lui octroyait la palme de la meilleure œuvre nationale. Aujourd'hui, Theodore Ushev donnera un cours de maître devant le public à la Cinérobothèque. On miserait bien sur lui dans sa catégorie pour les Oscar.
Les Journaux de Lipsett ressuscite le cinéaste d'animation montréalais Arthur Lipsett, qui s'est suicidé à 49 ans en 1986, emporté par la maladie mentale, après avoir réalisé pour l'ONF des films expérimentaux-chocs, dont Very Nice, Very Nice (1961), sélectionné aux Oscar et admiré par Kubrick. Des oeuvres-collages en photos et vidéos, tout en fragments composant des portraits angoissés du monde et de l'époque.«Tout m'a conduit à Lipsett», explique Theodore Ushev. D'abord, sa collaboration précédente avec l'écrivain Chris Robinson sur le livre Ballad of a Tin Man: In Search of Ryan Larkin, autre cinéaste d'animation au destin tragique, qui avait inspiré le célèbre documentaire animé de Chris Landreth. Robinson s'intéressait à Lipsett.
«J'ai été DJ et à mon avis, Lipsett était un précurseur, un VJ qui jouait avec l'image comme on le fait avec le son. Et puis j'ai habité le même immeuble que lui au pied de l'oratoire Saint-Joseph.»
Chris Robinson lui a proposé un texte, retravaillé ensuite. «Le film est fait avec des éléments de films de Lipsett, que j'ai transformés au crayon et à la peinture, puis retravaillés numériquement», relate Ushev. S'y accolent des scènes tirées de l'enfance de Chris Robinson, documents d'archives auxquels s'ajoutent des prises de vues, revus et corrigés pour y coller la tête de Lipsett. «Celui-ci n'avait pas vraiment écrit de journaux, mais laissé quelques phrases dans des carnets.» Scénariste et cinéaste ont réinventé sa vie à partir d'éléments réels, dont le suicide de sa mère quand il avait 10 ans.
L'ensemble est fragmenté en une structure dadaïste, à la manière Lipsettt, vraiment remarquable. C'est Xavier Dolan qui assure la narration dans les deux langues, meilleur en anglais, au demeurant. La bande sonore, très travaillée par Olivier Calvert, est un collage musical répondant à celui des images. «Notre grande fierté, c'est d'avoir rappelé au monde de l'animation le parcours et les oeuvres de Lipsett», conclut Theodore Ushev.
Et le court métrage poursuit sa route, qu'on lui souhaite jalonnée de nouveaux prix.